Dans cette rue tranquille aux confins du Vieux-Montréal, le petit bâtiment de brique rouge n'a rien de remarquable. Cette impression change du tout au tout lorsqu'on franchit ses portes: emprisonnés dans des cages de métal et de verre, des robots jaune vif saisissent des pièces de moteurs d'avion et les manipulent pour les inspecter sous toutes les coutures. Des robots semblables se contorsionnent pour meuler et polir d'autres pièces.

De jeunes ingénieurs sont aux commandes. Après des heures et des heures de réflexions, d'études, de fabrication de prototypes, de conception de logiciel, d'assemblage et d'essais, ils mettent la dernière main à des systèmes robotisés de finition et d'inspection qui s'envoleront bientôt pour les États-Unis, l'Allemagne ou Israël.

À vrai dire, avec 57 employés, AV&R Vision & Robotique commence à être à l'étroit dans ses locaux de la rue Prince.

«Nous sommes pratiquement à pleine capacité, indique le chef de l'exploitation d'AV&R, Jean-François Dupont, alors qu'il fait visiter les laboratoires et les ateliers de l'entreprise à La Presse Affaires. Nous étudions la possibilité d'installer un atelier ailleurs, peut-être en banlieue.»

Doubler les effectifs

La petite entreprise entend doubler ses effectifs d'ici un an. Elle cherche notamment à augmenter sa capacité d'assemblage, peut-être par une acquisition ou un partenariat. D'ici deux ans, elle entend également établir une présence en Europe.

«Les clients l'exigent», explique M. Dupont.

Créée en 1994 en tant que filiale de Walsh Automation, firme d'ingénierie spécialisée dans les travaux d'automatisation, AV&R a commencé à voler de ses propres ailes au milieu des années 2000. Trois jeunes dirigeants, Jean-François Dupont, Sébastien Parent et François Arrien, en ont fait l'acquisition avec l'aide de Fondaction, le fonds de travailleurs de la CSN. Plutôt que de continuer à desservir une grande varieté de marchés, les actionnaires et le nouveau président d'AV&R, Éric Beauregard, ont décidé de viser un petit créneau: les pièces de moteurs d'avion et de turbines industrielles.

«C'était la bonne décision au bon moment», affirme M. Dupont.

En se spécialisant, AV&R a pu aller au-delà du marché local et s'établir sur la scène mondiale.

«À l'heure actuelle, 78% de nos revenus proviennent de l'extérieur», souligne Jean-François Dupont.

La petite entreprise a un chiffre d'affaires de 8 millions de dollars et est rentable. Elle a pour clients Pratt&Whitney, GE et un grand nombre de sous-traitants.

Plaidoyer pour les robots

M. Dupont insiste sur les avantages de la robotisation et de la vision artificielle pour la finition et l'inspection des pièces. Dans les deux cas, il s'agit d'un travail qui demande une grande précision, mais qui implique aussi beaucoup de répétition.

«Dans l'évaluation de la qualité, il y a de la subjectivité, la personne n'est pas nécessairement constante, souligne-t-il. Les machines sont constantes, elles ne se fatiguent pas.»

Elles permettent également aux manufacturiers d'économiser en fait de salaires. M. Dupont précise toutefois que les robots ne remplaceront pas tous les employés.

«Nous sommes là pour améliorer leur qualité de vie, soutient-il. À l'heure actuelle, ils doivent inspecter toutes les pièces. La machine peut isoler et leur soumettre uniquement les pièces qui sont plus susceptibles d'avoir des défauts.»

Il ajoute que les organismes de certification, comme la Federal Aviation Administration (FAA) aux États-Unis, exigent encore une approbation humaine.

Le marché des moteurs d'avion est particulièrement prometteur pour AV&R: les grands avionneurs, Airbus et Boeing, ont regarni leur carnet de commandes et exigent des moteurs plus performants, moins énergivores et moins bruyants.

«Nous sommes associés aux nouveaux programmes», affirme M. Dupont.

Collection de prix

AV&R collectionne les prix.

En 2011 seulement, elle a reçu le prix Desjardins Commerce international en plus d'être nommée entreprise de l'année par l'Association québécoise de l'aérospatiale (AQA) et entreprise vélosympatique de l'année par Vélo-Québec.

«Sur 57 employés, seulement 8 viennent en automobile», indique M. Dupont.

Avec un âge moyen de 28 ans, l'équipe est particulièrement jeune et technologiquement avancée: une quarantaine sont ingénieurs.

M. Dupont admet qu'avec Bombardier et les autres grandes entreprises du secteur aéronautique qui recherchent activement des ingénieurs, le recrutement constitue un défi pour AV&R.

«Nous sommes en grosse compétition, mais, normalement, en une visite, nous réussissons à les convaincre», soutient-il, expliquant que les ingénieurs ont l'occasion de participer à toutes les étapes de la conception et de la fabrication des systèmes.

«Nous recherchons des ingénieurs qui font preuve d'une grande autonomie, des artistes industriels», affirme-t-il, avant d'offrir un argument massue: «Les gars tripent, ils jouent avec des robots.»