Face à la crispation de la crise en zone euro, la Banque centrale européenne devrait abaisser son taux directeur à 1% jeudi et annoncer de nouvelles mesures en faveur des banques mais se garder d'annoncer des actions plus radicales comme des achats massifs de dette des pays en difficulté de la région.

Cette dernière mesure, et la possibilité que la BCE prête au Fonds monétaire international (FMI) pour qu'il aide à son tour la zone euro, sont jugées par la plupart des économistes et certaines capitales européennes, en particulier Paris, comme les seules susceptibles de rassurer les marchés et de mettre un terme à la contagion de la crise.

La réunion du conseil des gouverneurs de la BCE, présidée depuis le 1er novembre par l'Italien Mario Draghi, suscite donc «de fortes attentes» des marchés, note Thomas Hollenbach, de LBBW, qui juge qu'ils risquent d'être déçus.

«Il est peu probable que M. Draghi donne des indications quelques heures à peine avant un sommet européen décisif» à Bruxelles, renchérit son confrère Rainer Guntermann, de Commerzbank.

Le chef de l'institution monétaire de Francfort a clairement signifié qu'il attendait des dirigeants politiques européens qu'ils prennent leurs responsabilités et signent pour davantage de rigueur budgétaire, avant d'envisager tout nouveau geste.

La BCE rachète déjà de la dette publique de pays comme l'Espagne ou l'Italie sur le marché secondaire, où s'échangent les titres déjà émis. Mais ses achats sont «limités» et «temporaires», souligne-t-elle régulièrement, mettant en avant son statut qui lui interdit de financer les États comme de créer de la monnaie génératrice potentielle d'inflation.

En revanche, la BCE, très attentive à ce que les banques ne manquent pas de liquidités pour éviter une pénurie du crédit aux entreprises et particuliers ce qui contribuerait à gripper davantage la machine économique, devrait continuer d'ouvrir généreusement les vannes pour elles.

Les analystes s'attendent notamment à ce qu'elle introduise des prêts illimités et à taux fixe d'une durée de deux ou trois ans, contre un an maximum jusqu'ici, et assouplisse les garanties exigées en échange.

«Cela tomberait bien, juste avant la publication par l'EBA (Autorité bancaire européenne) de ses exigences de recapitalisation pour les grandes banques européennes à 17H00 GMT», commente Holger Schmieding, chef économiste de la banque Berenberg.

Toutefois, selon lui, «même le plus général des soutiens de la BCE aux banques relèverait simplement du colmatage des symptômes» car «la zone euro ne connaît pas une crise bancaire, elle souffre de l'effondrement de la confiance envers les États, qui s'est transmise aux banques», rappelle-t-il.

Alors que les déclarations catastrophistes se multiplient sur un effondrement prochain de la zone euro et que l'agence Standard & Poor's menace de dégrader la note de solvabilité de quasiment tous ses membres, y compris la vertueuse Allemagne, ainsi que de ses principales banques, la BCE n'aura toutefois pas d'autre choix que d'intervenir, estime Guntram Wolff, de l'institut d'études politiques Bruegel. «La situation est devenue très fragile et le système financier est devenu très fragile».

«Elle restera toutefois réticente à le faire tant que le problème de l'aléa moral n'est pas résolu», explique-t-il en référence à la crainte de voir les gouvernements renoncer à avancer sur le chemin du redressement de leurs finances une fois qu'elle aura franchi le pas.

La BCE a été en effet échaudée par l'attitude de l'Italie cet été, qui après avoir obtenu qu'elle rachète ses obligations pour faire baisser ses taux d'emprunt a fait marche arrière sur ses promesses. «La BCE veut s'assurer que cela ne se répétera pas», selon lui.

Le regard des gouverneurs de la BCE sera donc tourné à partir de jeudi soir vers Bruxelles, où se réunissent les dirigeants européens pour un nouveau sommet de la dernière chance. Mais l'Allemagne, qui promeut les mêmes mesures de rigueur qu'eux, a quelque peu douché les espoirs mercredi en se déclarant «pessimiste sur la possibilité d'avoir un accord total».

Les commentateurs veulent toutefois voir la rencontre de M. Draghi avec le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel avant le dîner des chefs d'État et de gouvernement des 27 pays de l'UE, comme un signe positif.

M. Draghi devrait souligner que les risques inflationnistes sont à la baisse tandis que ceux d'une récession sont à la hausse. D'où sans doute une nouvelle baisse de son principal taux directeur à 1%, contre 1,25% actuellement, selon Stephane Deo de UBS. Il retrouverait son plus bas historique.