C'est dans un contexte de grande inquiétude quant à l'issue de la crise de la dette souveraine européenne que la Banque du Canada doit fixer son taux directeur ce matin.

Devant les nombreux événements attendus cette semaine, elle n'aura d'autre choix que de reconduire le taux fixe de financement à un jour, fixé à 1% depuis 15 mois.

Toute la semaine, les élus de la zone euro seront tenus sur la sellette par les investisseurs, les spéculateurs, les évaluateurs de crédit et les banquiers centraux qui exigent de l'austérité, de l'austérité et encore de l'austérité, malgré la montée des tensions sociales.

Hier encore, tandis que le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel attachaient les ficelles d'un plan imposant la discipline budgétaire, l'agence de notation Standard&Poor's a placé sous surveillance avec perspective négative tous les membres de la zone euro, même les cinq membres de la zone euro jouissant de la note AAA. L'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas risquent le même sort que les États-Unis cet été: une note AA" d'ici 90 jours, s'ils ne parviennent pas à convaincre l'agence de leur parfaite solvabilité.

La rumeur avait été lancée en milieu d'après-midi par le Financial Times. Elle a effacé une partie des gains des grands indices boursiers. Ils avaient bien accueilli le plan d'austérité annoncé dimanche par le premier ministre italien Mario Monti.

Depuis l'échec d'une enchère allemande, il y a deux semaines, on sait désormais que le sort de chacun des membres de la zone euro est lié à une résolution crédible de la crise de la dette souveraine.

C'est, avant tout, les résultats du sommet des 27 pays membres de l'Union européenne de la fin de la semaine qui sera déterminant.

D'ici là, la pression ne fera que monter. Demain, l'Allemagne tiendra de nouvelles enchères. Le lendemain, la Banque centrale européenne tiendra sa réunion statutaire où on s'attend à ce que son nouveau président Mario Draghi annonce une deuxième baisse du taux directeur en autant de mois. Reste à savoir si elle sera de 25 ou de 50 centièmes.

À Montréal, il y a deux semaines, le gouverneur Mark Carney a déclaré que la crise européenne était «à peine contenue». À la presse, il a ajouté qu'il souhaitait une solution dans les prochains jours plutôt qu'à la fin de l'année.

Depuis, la situation s'est corsée. La semaine dernière, un sommet de deux jours des ministres européens des Finances a fait ressortir que le Fonds européen de stabilité financière ne pourra remplir le rôle de pare-feu sur lequel on comptait à la fin octobre.

Dans ce contexte, la Banque du Canada pourrait décider d'abaisser son taux directeur, comme le prévoient certains économistes de banques étrangères. Celles de BNP Paribas, Julia Lynn Cooronado, et de Bank of America Merryll Lynch, Sheryl King, prédisent une nouvelle détente cet hiver.

Après tout, le Canada n'est-il pas frappé par le ralentissement de l'économie mondiale, comme en font foi la stagnation du marché du travail depuis l'été, et la suppression nette de 73 000 emplois en octobre et novembre?

Même la forte expansion du troisième trimestre (3,5% alors que la Banque prévoyait 2%) ne doit pas faire illusion. C'est un rétablissement des exportations qui l'a soutenue, la demande intérieure finale étant inférieure à la taille de l'économie pour la première fois en plusieurs trimestres.

La consommation des ménages a ralenti, ce qui reflète une volonté de désendettement des ménages que la Banque souhaite. Assouplir davantage le crédit risque de retarder ce processus nécessaire.

Et puis, l'inflation est tenace. Son taux était de 2,9% en octobre et de 2,1% pour l'indice de référence, un peu plus qu'anticipé.

Si l'Europe ne parvient pas à trouver une solution crédible à sa crise, alors la Banque n'hésitera pas à diminuer son taux de manière à éviter à tout prix un gel du crédit.

Le faire avant équivaudrait à juger que les Européens ont échoué alors qu'ils jouent leur va-tout en fin de semaine seulement.