Hiver 2004. Une quinzaine d'employés du studio d'Ubisoft dans le quartier Mile-End à Montréal planchent sur un projet de jeu vidéo d'aventure qui saura exploiter les possibilités techniques des nouvelles consoles Xbox 360 et PlayStation 3. «Nous avons rapidement réalisé que nous avions quelque chose de fort entre les mains, mais nous n'avions jamais anticipé l'ampleur du phénomène Assassin's Creed», se rappelle Sébastien Puel, aujourd'hui producteur exécutif de la marque Assassin's Creed.

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Moins de huit ans plus tard, Assassin's Creed, dont le dernier volet est lancé aujourd'hui, est devenu la série de jeux la plus rentable de l'histoire d'Ubisoft et l'un des produits de divertissement les plus lucratifs jamais conçus au Québec, toutes formes d'art confondues.

Avec des revenus mondiaux estimés à environ 1,2 milliard de dollars depuis 2007, la série Assassin's Creed se compare aux poids lourds de l'industrie québécoise du divertissement comme le Cirque du Soleil, qui générera 1 milliard de revenus à la billetterie seulement en 2011, et Céline Dion, qui a généré des revenus de 747 millions entre 2000 et 2010, selon le Los Angeles Times. «Nous sommes dans le premier trio», dit Yannis Mallat, PDG du studio montréalais d'Ubisoft.

Et la manne d'Assassin's Creed est loin d'être asséchée. Ubisoft espère que le quatrième volet de la série lancé aujourd'hui, Assassin's Creed: Revelations, se vendra à 10 millions d'exemplaires. Les trois premiers jeux, lancés respectivement en 2007, 2009 et 2010, ont été vendus chacun entre 9 et 10 millions d'exemplaires. Selon Yannis Mallat, les préventes d'Asssassin's Creed: Revelations sont «pas mal supérieures» à celles du jeu précédent. «Il fut un temps où les suites avaient du mal à accoter les ventes de l'original, mais on voit le phénomène inverse avec Assassin's Creed», dit le PDG d'Ubisoft Montréal, le studio directeur d'Assassin's Creed: Revelations. Environ 200 employés d'Ubisoft Montréal ont travaillé sur le jeu, en collaboration avec 120 employés des studios de Québec, Singapour et Annecy, en France.

Assassin's Creed: Revelations marquera la fin des aventures de son héros, Ezio Auditore, ce noble italien qui a été la tête d'affiche des trois derniers volets. Dans Revelations, un Ezio Auditore «plus agile et plus rapide» se bat toujours contre les Templiers au XVIe siècle, mais cette fois à Constantinople (Istanbul). «C'est un adieu à notre Ezio, qui a pris beaucoup de maturité et qui va se poser les bonnes questions», dit Sébastien Puel.

Heureusement pour les actionnaires d'Ubisoft, habitués aux profits annuels d'Assassin's Creed, la mort annoncée d'Ezio Auditore ne signifie pas la fin de la série. La semaine dernière, le PDG d'Ubisoft, Yves Guillemot, a annoncé un cinquième jeu Assassin's Creed à temps pour la période des Fêtes en 2012. En lançant un quatrième opus en autant d'années, Ubisoft ne craint pas un essoufflement de sa série culte. «Quand la qualité est là, l'engouement l'est aussi, peu importe la fréquence de sortie des jeux», dit Yannis Mallat.

Romans, encyclopédie, bandes dessinées, courts métrages, Assassin's Creed ne se limite pas aux consoles de jeu vidéo. Au début de décembre, Ubisoft lancera son premier jeu Assassin's Creed sur iPad, conçu aussi à Montréal. Ne manque plus que le petit ou le grand écran.

Or, la filiale Ubisoft Motion Pictures a justement été fondée l'an dernier pour étudier des projets de films et de séries télé pour ses héros de jeu vidéo.

«Ubisoft cible ses marques les plus propices et Assassin's Creed est sur la liste», dit Yannis Mallat.

Mais, pour l'heure, Ubisoft a la tête au lancement d'Assassin's Creed: Revelations sur les consoles traditionnelles de jeu vidéo. Sans des ventes satisfaisantes, Ubisoft pourra difficilement atteindre son bénéfice d'exploitation prévu de 40 à 80 millions pour l'année financière se terminant le 30 mars prochain. Durant la première moitié de l'année (d'avril à septembre 2011), elle a accusé une perte d'exploitation de 49,3 millions sur un chiffre d'affaires de 248,5 millions. Le trimestre en cours est le plus important de l'année, la période des Fêtes représentant historiquement la moitié des ventes annuelles d'Ubisoft.

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DES COMPARAISONS INTÉRESSANTES

- +1 milliard: revenus de billetterie du Cirque du Soleil à l'échelle mondiale en 2011.

- 747 millions: revenus de Céline Dion à l'échelle mondiale entre 2000 et 2010 selon le Los Angeles Times.

- Environ 1,2 milliard: revenus générés à l'échelle mondiale depuis 2007 par la série Assassin's Creed d'Ubisoft, conçue et développée en grande majorité à Montréal.