À New York, cela fera exactement un mois samedi que quelques centaines d'irréductibles activistes ont pris d'assaut le Zuccotti Park, un petit parc à deux coins de rue de Wall Street, où ils maintiennent jour et nuit un siège, dans l'anarchie la plus totale et l'encadrement musclé de centaines de policiers.

À notre arrivée dans Zuccotti Park, mercredi en début de soirée, il tombait une petite pluie bruineuse qui rendait encore plus surréaliste le décor ambiant.

Des centaines de personnes, couchées à même le sol avec des bâches en plastique comme seul abri, tentaient de trouver le sommeil malgré le concert assourdissant d'une quinzaine de musiciens de percussions qui animent toute la journée et en soirée le «Cercle des tambours».

Si les manifestants n'ont pas de tentes, c'est qu'un règlement municipal interdit de poser toute infrastructure dans les parcs de New York. Le maire de la ville, Michael Bloomberg, s'est déplacé mercredi soir à Zuccatti Park pour la première fois depuis le début de l'occupation afin de rencontrer les manifestants et les aviser qu'ils devraient libérer la place aujourd'hui afin de nettoyer les lieux.

Scrupuleux défenseur du Premier amendement de la Constitution américaine qui protège le droit de manifester, Michael Bloomberg a déclaré lundi que les manifestants pourraient demeurer indéfiniment dans Zuccotti Park.

Mais, depuis un mois, la ville n'a offert aucun service sanitaire aux activistes. Pas de toilette portable, pas d'eau courante.

Ça commence à sentir mauvais et le maire a été accueilli froidement par les protestataires. «Il veut que l'on quitte vendredi (aujourd'hui). Il dit que l'on pourra revenir une fois le nettoyage terminé, mais la police va en profiter pour nous interdire de réintégrer le parc», appréhende Ben, un professeur qui anime des séances de yoga, tout juste à côté des 15 joueurs de tambour...

Prêt à passer l'hiver

Ferrell Jordan campe à Zuccatti Park depuis le début du mouvement d'occupation. Originaire du Dakota du Nord, membre du American Indian Mouvement, il était à Chicago quand il a eu vent de l'occupation de Wall Street.

«Je suis tout de suite descendu à New York. Il fallait que je sois là. Il faut que les Américains reprennent leur vie en main. On a tout donné aux financiers de Wall Street, on va leur accorder une nouvelle baisse d'impôt alors que les gens ordinaires n'ont plus rien. Plus de travail, plus de maison.

«À l'époque, on a construit un mur à Wall Street parce que les blancs voulaient se protéger des Indiens. C'est le même mur qui existe aujourd'hui, mais pour protéger les financiers et les grandes entreprises. Je suis prêt à passer l'hiver dans ce parc. Il faut que les choses changent», explique calmement ce sosie de Sitting Bull, ce grand chef indien qui a résisté jusqu'à la fin aux Américains.

Karanja Gacuca s'est joint mercredi matin au groupe d'activistes d'«Occupy Wall Street». Analyste de risque dans une grande firme de Wall Street, il a perdu son travail le 29 septembre dernier, dans la foulée d'une vague de rationalisations qui devraient entraîner la suppression de plus de 10 000 postes au cours des prochains mois.

«Les firmes financières et les grandes entreprises ont littéralement pris d'assaut la Trésorie du gouvernement américain. Ils ont eu droit à des centaines de milliards en aide durant le plan de sauvetage de 2008-2009 alors que les citoyens ordinaires n'ont eu droit à rien. C'est au coeur de la détresse que vous constatez ici. On est fait partie des 99% qui n'ont rien contre le 1% qui détiennent tout», souligne-t-il.

François Trahan, stratège boursier vedette de Wall Street et fondateur de la firme Wolfe-Trahan, n'est pas surpris de la contagion du mouvement «Occupy Wall Street» à l'échelle planétaire.

«On vient de traverser la pire crise économique et financière depuis les années 30 et les gouvernements n'ont plus de marge de manoeuvre, alors que jamais la polarisation entre les très riches et la classe moyenne n'a été aussi grande. Je suis juste surpris que ça pris autant de temps avant d'éclater», observe-t-il.

-À lire samedi, la suite de notre entrevue avec François Trahan