Fort du succès de son premier spectacle, Cavalia a officiellement lancé hier sa deuxième oeuvre, Odysséo, une nouvelle création aux dimensions beaucoup plus impressionnantes - incluant le plus grand chapiteau de tournée du monde. Depuis la fin des années 90 jusqu'à aujourd'hui, l'histoire de Cavalia et d'Odysséo est un énorme défi technique et financier. Rétrospective et présentation, en quatre temps.

Un deuxième grand départ

Cinq ans après le début de la recherche de financement et de l'entraînement des chevaux sur la ferme de Cavalia à Sutton, et presque six mois après le début de la construction des installations, Odysséo prend vie à Laval.

Le spectacle tiendra l'affiche jusqu'au 23 octobre à Laval. Odysséo s'en ira ensuite vers Atlanta, où il est présenté à partir du 7 décembre. Cavalia a choisi Atlanta notamment en raison du succès du premier spectacle dans la métropole de l'État de Géorgie.

La suite de l'itinéraire du spectacle - et de son équipe de 200 personnes - n'est pas connue. Tout dépend du succès aux guichets. En fonction du temps passé à Atlanta, l'équipe de production a plusieurs plans différents pour le choix de la ville suivante.

Le repérage des terrains est toutefois déjà fait. Il peut être assez compliqué de mettre la main sur de vastes espaces disponibles pouvant accueillir l'immense chapiteau, les écuries, les espaces d'entraînement, la cafétéria, les roulottes, etc. Odysséo nécessite un espace minimum de 250 000 pieds carrés, sans compter le stationnement. Généralement, il faut que Cavalia reste environ six semaines dans une ville pour que ce soit rentable.

Si la réaction du public à Laval est importante, elle le sera d'autant plus à Atlanta. «Il faut absolument surprendre les Américains, insiste Normand Latourelle, concepteur, président et directeur artistique de Cavalia. Les Québécois aussi, mais on n'y reste que trois mois durant la tournée.»

Près d'une quinzaine d'années après le début de l'aventure, c'est un autre test pour l'entreprise Cavalia.

La création de Cavalia

Au tournant des années 2000, il avait fallu cinq ans de travail, de patience et de détermination pour que l'idée de Normand Latourelle prenne vie: mêler l'artiste et le cheval dans un spectacle nouveau inspiré du cirque.

La recherche de financement a été difficile pour ce spectacle nouveau genre et Normand Latourelle, qui a participé au développement du Cirque du Soleil à la fin des années 80, a dû mettre de l'argent sur la table. Il avait déjà investi 1,25 million de dollars dans son projet quand l'arrivée soudaine d'un concurrent l'a obligé à le mettre en veilleuse. Un spectacle nommé Cheval-Théâtre était sur les rails, avec une proposition semblable mettant en vedette la noble bête. «Nos partenaires ont reculé», rappelle Normand Latourelle.

Quand Cheval-Théâtre a pris l'affiche, M. Latourelle et deux membres de son équipe sont allés voir le spectacle. «Nous avons vu que notre idée était différente et nous avons relancé notre projet.»

La conjointe de M. Latourelle s'est jointe à l'équipe pour aider dans la recherche de financement - les deux fils de M. Latourelle font également partie de la direction aujourd'hui. L'équipe a monté un nouveau plan d'affaires. Six personnes ont investi une bonne somme pour soutenir le projet. Puis, les institutions publiques (Caisse de dépôt, Investissement Québec, Banque de développement du Canada) ont sauté dans l'aventure. Les choses allaient bon train, jusqu'à ce que Cheval-Théâtre connaisse une fin en queue de poisson qui a mené l'entreprise à la faillite. Voyant cela, des partenaires de Normand Latourelle ont fait un pas derrière, craignant que le même sort ne guette Cavalia. Normand Latourelle a tout de même continué le travail.

Shawinigan et le succès

Les finances étaient serrées. Cavalia a choisi Shawinigan pour roder son premier spectacle en 2003, question de se qualifier pour des programmes de subvention pour la création d'emplois et le développement économique en région. Le premier ministre de l'époque et député du coin, Jean Chrétien, avait déjà vu des créations antérieures de Normand Latourelle et il a appuyé le projet.

«J'ai fait un deal avec la mairesse de Shawinigan, relate Normand Latourelle. La Ville fournissait l'aréna et l'espace pour le chapiteau, mais, en contrepartie, nous devions faire quelques représentations à prix moindre pour les gens de la place.» Cavalia avait prévu trois représentations. Il en a fallu 12 pour répondre à la demande. Sans publicité, le spectacle faisait déjà courir les foules de Shawinigan et attirait des spectateurs de partout en province. «À partir de ce moment, on a su que ça fonctionnerait», rappelle Normand Latourelle. Rapidement, la production a remboursé ses prêts et racheté les débentures.

Quelque 1900 représentations plus tard, le spectacle a fait le tour de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Il est actuellement présenté à Minneapolis. Il sera à Portland à la fin de novembre, puis à Seattle, avant de voler jusqu'à Pékin, pour sa première présentation en Asie.

Il avait fallu 12 millions pour lancer Cavalia en 2003, puis 8 millions supplémentaires pour racheter l'équipement loué au départ. Aujourd'hui, le premier spectacle de Cavalia génère des revenus de 35 millions par année.

Le financement d'Odysséo

Dès le lancement du premier spectacle, Normand Latourelle voulait aller plus loin. Il y a cinq ans, il a donc commencé la recherche de financement pour une nouvelle création.

Il fallait rassembler 30 millions, 10 millions de plus que pour le premier spectacle. Le chapiteau d'Odysséo est 125% plus grand, ce qui en fait le plus grand chapiteau de tournée du monde.

Pour arriver à ces installations jamais vues, M. Latourelle a fait appel à une firme italienne pour le chapiteau (Canobbio), des firmes française et canadienne pour l'ingénierie (Astéo et Genivar) et une entreprise lavalloise pour la structure des arches (Show Canada). On en arrive à cette immense structure supportée par quatre piliers aux extrémités et une série d'arches au centre.

Le financement ne s'est toutefois pas fait sans écueil. Cavalia a investi une somme importante pour faire tourner le premier spectacle en Europe entre 2007 et 2009. Vers la fin de la tournée, c'était la crise économique, et la banque de Cavalia a rappelé sa marge de crédit.

«La banque était nerveuse parce que les chiffres en Europe étaient plus difficiles, explique Normand Latourelle. Nous avions davantage de spectateurs, mais les revenus étaient moins élevés en raison du moindre coût des billets. Dans le contexte de crise, la banque voulait se retirer du secteur du divertissement.»

Cavalia devait donc trouver 5 millions en trois mois pour payer la banque, ce qui a créé une crise de cash-flow. Cavalia a trouvé du secours chez ses prêteurs d'autrefois, Investissement Québec et la Banque de développement du Canada. Tout cela a toutefois forcé pendant quelques mois la suspension du financement de ce qui allait devenir Odysséo. Mais Cavalia a surmonté cet obstacle et voilà l'équipe lancée pour un nouveau tour de piste.

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ODYSSÉO EN CHIFFRES

30 MILLIONS

Investissement total pour Odysséo.

35 MILLIONS

Revenus annuels de Cavalia 1. Odysséo devrait générer des revenus un peu plus élevés étant donné que le chapiteau compte 10% plus de sièges.

100

Il faut entre 100 et 110 semi-remorques pour transporter l'équipement d'Odysséo d'une ville à l'autre.

Source: Cavalia

150

Nombre de chevaux que possèdent les producteurs de Cavalia. Une soixantaine participent à Odysséo.

250 000$

Coût pour transporter 50 chevaux en avion de Calgary à Montréal dans un Boeing 747.

250 000 PI2

Superficie minimale du terrain pour accueillir Odysséo. Ce chiffre exclut les places de stationnement.

5,8

En kilomètres, le câblage nécessaire pour le chapiteau d'Odysséo.

6000

Tonnes de roches, de terre et de sable nécessaires pour la scène.

1900

Représentations du premier spectacle de Cavalia.

Source: Cavalia