Après avoir passé l'année confortablement installé au-dessus de la parité, le dollar canadien a bel et bien quitté le calme pour replonger dans les remous de la volatilité.

Les cambistes en ont eu une autre preuve, hier, alors que le huard a connu une autre journée mouvementée. L'oiseau est cette fois parti vers le haut, gagnant 2 cents US pour clôturer à 96,14 cents US.

«Depuis le début de l'année, le dollar canadien était resté dans une zone de confort et faisait partie des devises sans problèmes. Là, on est dans une zone de crisette et on va probablement finir l'année dans la turbulence», dit François Barrière, vice-président, développement des affaires, marchés internationaux, à la Banque Laurentienne.

Le dollar canadien a commencé à faire des siennes le 20 septembre, plongeant jusqu'à s'échanger sous les 94 cents US et évoluant en dents de scie depuis.

Pourquoi notre devise jusqu'ici inébranlable à la crise de la dette grecque et aux aléas de la politique américaine se met-elle à virevolter ainsi?

Frédéric Mayrand est premier vice-président, taux d'intérêt et changes, chez BNP Paribas Canada. Pour lui, c'est la peur que la crise ne finisse par ralentir les économies émergentes friandes de matières premières qui est l'élément déclencheur. «Il y a environ trois semaines, la donne a changé. Tout à coup, on a noté que la demande pour les matières premières semblait fléchir, et on a commencé à se dire que ça ne va peut-être pas aussi bien qu'on le pensait dans les marchés qui consomment des ressources», dit-il.

M. Mayrand souligne que l'indice Thomson Reuters/Jefferies CRB, qui reflète autant les prix des métaux et du pétrole que du coton et des denrées alimentaires, a chuté de 340 à 290 depuis un mois.

«Aussitôt qu'on a brisé le seuil technique, ça s'est emballé. Beaucoup d'acteurs qui jouent sur la devise fonctionnent avec des niveaux psychologiques. Quand on les franchit, il y a un effet d'entraînement et les mouvements sont exagérés», observe François Bélanger, directeur des marchés de change chez BMO Marchés des capitaux.

Selon lui, c'est ce qui explique en partie le fort rebond observé hier. L'optimisme déclenché par le Fonds monétaire international, qui a évoqué hier la possibilité d'intervenir dans la crise européenne, a aussi contribué à la situation. Les déclarations ont propulsé le baril de pétrole de 4,01$US, ou 5,31%, à New York, où il a clôturé à 79,68$US.

Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale, note que le dollar canadien est tout de même moins malmené que les autres devises liées aux matières premières comme celles du Brésil, de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande.

Selon lui, le dollar canadien pourrait céder subitement jusqu'à 20 cents US advenant un scénario catastrophe de nouvelle crise du crédit planétaire. L'économiste mise tout de même sur un scénario plus optimiste et croit que «la tendance lourde, c'est un dollar canadien près de la parité».

Les experts interviewés hier s'attendent à ce que la volatilité sur le huard se poursuive jusqu'à la fin de l'année, avec un dollar canadien oscillant quelque part entre 90 et 98 cents US selon les différentes prévisions.

Les exportateurs et manufacturiers du Québec ont réagi de façon mitigée, hier, se réjouissant de la baisse du dollar mais pestant contre sa volatilité.