L'activité économique a montré d'inquiétants signes de fatigue ce printemps, des deux côtés de la frontière. En outre, l'impasse au Congrès américain sur l'incontournable relèvement du plafond de la dette compromet les perspectives d'un vif rebond au présent trimestre.

À la surprise générale, l'économie canadienne s'est contractée de 0,3% au mois de mai, après avoir fait du surplace en avril, a annoncé hier Statistique Canada. On s'attendait à une avancée modeste du produit intérieur brut réel (PIB). La baisse inédite d'activités dans l'extraction minière, gazière et pétrolière aura confondu les experts. Elle est attribuable aux dangereux feux de forêt qui ont dévasté l'Alberta et à des activités de maintenance accrues. Cela a pesé en outre sur les industries du transport ferroviaire et de raffinage. Mince consolation, cette situation s'est sans aucun doute en partie redressée en juin.

Des replis significatifs ont cependant aussi été enregistrés dans la construction et la fabrication que n'ont pu compenser les avancées de 10 autres des 18 secteurs industriels qui composent la mesure mensuelle du PIB.

Sans le repli de l'extraction, l'économie aurait avancé de 0,1%, grâce à l'apport exceptionnel du secteur public qui menait le recensement quinquennal. Bref, hormis les circonstances exceptionnelles, cela ressemble à de la stagnation.

Croissance américaine

Aux États-Unis, le produit intérieur brut réel aurait crû de 1,3% seulement d'avril à mars, selon les calculs préliminaires du Département du Commerce (DdC).

Les prévisionnistes s'attendaient à 1,8%, soit à peu près le même rythme qu'estimé jusque-là pour les trois premiers mois de l'année. Pire, le DdC a ramené de 1,9% à 0,4% le gain du premier trimestre, tout en portant de 4,1% à 5,1% la profondeur de la récession de 2008-2009. Au final, l'économie américaine n'a toujours pas retrouvé sa taille d'avant récession, alors qu'on la croyait en expansion depuis le début de 2011. Cette nouvelle évaluation explique un peu mieux qu'il manque encore 6,9 millions d'emplois chez l'Oncle Sam pour retrouver le niveau d'avant-récession.

Si le chiffre de 1,3% de croissance américaine d'avril à juin est fort décevant, il paraît hors de portée pour notre économie. La semaine dernière encore, la Banque du Canada tablait sur un gain de 1,5%. « Pour atteindre cette cible, il faudrait que le PIB réel par industrie progresse d'environ 1,2% en juin, calcule Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Il s'agit là d'un objectif difficile à atteindre, considérant les nombreux écueils encore présents en Amérique du Nord. »

Soulignons-en un parmi d'autres. Aux États-Unis, les dépenses de consommation, qui représentent 71% de la taille de l'économie (un sommet mondial), ont progressé de 0,1% au deuxième trimestre, ce qui reflète le manque de confiance des ménages.

La croissance a surtout été assurée par les investissements des entreprises et par une réduction du déficit commercial. Pour un troisième trimestre d'affilée, l'apport des administrations publiques est négatif. D'avril à juin, les dépenses fédérales non militaires ont reculé de 7,3%.

Impasse au Congrès

D'autres replis importants sont à prévoir avec les coupes budgétaires considérables que débattent les membres du Congrès. L'éventualité d'une fermeture momentanée du gouvernement, faute de pouvoir emprunter à compter de mardi, entraverait davantage la croissance. « Peu importe l'angle duquel on l'examine, le gâchis de la dette américaine est sans nul doute une mauvaise affaire pour l'économie canadienne », résume Sherry Cooper, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux.

À l'annonce des mauvais chiffres d'hier, l'institution révise ses prévisions de croissance pour les deux pays.

Au Canada, BMO table désormais sur un gain de 0,5% au deuxième trimestre (contre 1,3% encore la semaine dernière) et réduit de 2,9% à 2,5% son pronostic pour l'été. Pour 2011, elle ramène sa prévision de 2,8% à 2,6%.

Aux États-Unis, la prévision de croissance au présent trimestre passe de 3,2% à 2,8%, celle de 2011 de 2,5% à 1,8% seulement. Le chômage restera très élevé si elle devait se concrétiser.

Rien en somme pour stimuler les exportations canadiennes, minées de surcroît par la force du huard, malgré les quelques plumes perdues des derniers jours.

Cela dit, le Canada reste en meilleure posture, ne serait-ce que par l'état de son marché du travail et de ses finances publiques. Hier, Ottawa signalait que le déficit budgétaire en cours s'élevait à 3,3 milliards après deux mois d'exercice. C'est 1,1 milliard de moins que pour avril et mai 2010, comme prévu.

À faire envie.