On s'attendait à une détérioration du solde de la balance commerciale canadienne en avril en raison des catastrophes japonaises survenues à la mi-mars.

Les chiffres publiés hier par Statistique Canada sont bien pires encore, sans que le véritable effet de la tragédie nippone n'ait été ressenti encore dans nos exportations. C'est de très mauvais augure pour la croissance de l'économie au deuxième trimestre.

Le déficit du commerce de marchandises a atteint 924 millions de dollars, alors que les économistes financiers s'attendaient à un surplus de 600 millions. Pire, ce qui avait été annoncé d'abord comme deux légers surplus, en février et mars, ont été transformés en déficit de 200 et 400 millions par des révisions de l'agence fédérale. Pour mars, il s'agit d'un écart d'environ 1 milliard avec l'annonce initiale d'un surplus de 600 millions en mars.

En avril, c'est à la diminution de 1,9% de la valeur des exportations qu'il faut attribuer l'aggravation du déficit puisque les importations ont reculé aussi, mais dans une bien moindre mesure.

L'affaiblissement des exportations était concentré dans le matériel aéronautique, dont la valeur des livraisons à l'étranger a descendu en un piqué de 38,5%.

De manière plus générale, les expéditions de machinerie et d'équipement ont baissé de 7,8%, de produits forestiers et industriels, de 4,8% et 3,8% respectivement. Cela suggère que les ventes des fabricants ont chuté au cours du mois. On en aura le coeur net mercredi prochain.

Les exportations de produits de l'automobile ont augmenté de 1%, tandis que les importations de ces mêmes produits étaient en baisse de 8,6%. Les achats en provenance du Japon ont plongé de 31%, la chute la plus forte depuis la récession.

La rupture des chaînes d'approvisionnement assurées par les constructeurs japonais se répercutera donc en mai et juin sur les expéditions de véhicules. En avril, les usines japonaises d'assemblage situées en Ontario ont réduit leurs stocks pour assurer leurs livraisons.

Les exportations de produits de l'agriculture et de la pêche, de même que d'énergie, ont aussi légèrement augmenté.

Du côté des hausses d'achat, elles sont concentrées dans les produits forestiers, industriels et dans les machines et l'équipement.

Si on exprime le solde commercial en volume pour effacer l'effet des prix, on constate que les exportations réelles ont reculé de 1,1%, alors que les importations réelles ont plutôt augmenté de 1,0%. En dollars de 2002, le déficit commercial a atteint un nouveau creux de 11,0 milliards et aura fortement entravé la croissance réelle du deuxième trimestre.

Bref, c'est un rapport plutôt sombre. «L'évolution de l'économie mondiale est devenue plus erratique au printemps, en raison notamment des problèmes concernant les dettes souveraines dans plusieurs pays européens, note Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Les exportations canadiennes à destination de l'Union européenne ont diminué de 13,7% durant le mois.»

Le déficit commercial avec les 27 pays membres de l'Union s'est d'ailleurs aggravé, passant de 540 à 987 millions.

La détérioration est moins grande avec les États-Unis, puisque notre excédent est passé de 4,17 milliards en mars à 3,86 milliards en avril, en dépit du ralentissement américain et de la force du huard qui s'est échangé en moyenne contre 104,5 cents US au cours du mois.

Cette légère détérioration est due à la poussée plus forte de nos achats de biens américains qu'aux ventes aux États-Unis qui ont tout de même augmenté pour le deuxième mois d'affilée.

Cela est d'autant plus surprenant que la valeur des importations américaines a diminué en avril d'environ 1 milliard à hauteur de 219,4 milliards. Jumelées à une augmentation des exportations, elles ont permis de ramener le déficit de 46,8 à 43,7 milliards, selon le département du Commerce.

Le gros de l'amélioration vient de la baisse de 4 milliards des importations de pétrole, car plusieurs raffineries étaient en réparation à la suite des inondations dans les États du Sud. Ce fut une chance pour les raffineries canadiennes qui ont pu augmenter leurs livraisons.

La rupture des chaînes d'approvisionnement dans l'industrie automobile a aussi pesé dans la balance.

«Si on exclut les produits pétroliers, les importations étaient à la hausse en avril, grâce aux dépenses en produits pharmaceutiques et en vêtements, remarque Chris Jones, analyste économique chez TD. Cela suggère que la consommation, qui équivaut aux deux tiers de l'activité économique américaine, continue de s'améliorer.»