En arrivant au local de Mimetogen, niché dans un incubateur technologique du Vieux-Montréal, le visiteur est mûr pour une petite déception. Ici, il n'y a ni chercheurs en sarrau, ni fioles, ni laboratoires. Les secrétaires sont inexistantes et la liste des employés ne compte qu'un nom: François Mongrain, chef des finances.

C'est d'ici, armé d'un simple téléphone et d'un ordinateur portable, que M. Mongrain gère le développement financier de cette biotech au modèle bien particulier.

«On est un peu une entreprise virtuelle», lance ce «comptable défroqué» qui a quitté le confort des grands cabinets pour goûter à l'univers des entreprises en démarrage.

Dans un monde où les entreprises de biotechnologies peinent à dénicher du capital, Mimetogen gère le sien avec ascétisme. En plus de M. Mongrain, l'entreprise compte un président installé à Boston et deux scientifiques qui ont toujours gravité autour du milieu universitaire québécois. Bref, Mimetogen se résume à quatre employés... qui travaillent tous à des endroits différents.

«Nos outils, ce sont Skype et les conférences téléphoniques. On fonctionne avec le strict minimum», dit M. Mongrain.

Si le modèle de fonctionnement de Mimetogen est virtuel, sa science, elle, est bien réelle. Née dans les labos de l'Université McGill grâce aux travaux du chercheur Uri Saragovi, Mimetogen exploite une technique habituellement prisée des amuseurs de rue: le mime.

L'entreprise a découvert une molécule qui mime le comportement de la neurotrophine, une protéine présente dans l'oeil qui se charge d'y régénérer les tissus. Mimetogen espère la transformer en médicaments qui pourraient un jour traiter diverses maladies dégénératives de l'oeil.

Du glaucome à l'oeil sec

C'est MSBi Valorisation, société destinée à faire fructifier la recherche émanant de l'Université McGill, qui mise les premières billes sur la technologie. MSBi pose aussi un jalon important en parvenant à attirer l'attention de Garth Cumberlidge, vieux routier installé à Boston qui a roulé sa bosse plus de 25 ans dans l'industrie pharmaceutique, autant en Europe qu'aux États-Unis.

Convaincu que la découverte d'Uri Saragovi est prometteuse, M. Cumberlidge accepte de sauter. En 2005, il lance Mimetogen Pharmaceutical et en prend la tête.

L'idée de départ est ambitieuse: utiliser la molécule habile à jouer les mimes pour soigner le glaucome, maladie de l'oeil dont le marché est évalué à 5,7 milliards US aux États-Unis seulement.

La jeune entreprise croit profondément au potentiel de sa science. Le hic, c'est que le chemin s'annonce ardu et coûteux. Le glaucome est causé par la dégénération du nerf optique. Or, pour commercialiser un médicament contre cette maladie, Mimetogen devrait démontrer que sa molécule est capable de régénérer le nerf. Une preuve scientifiquement complexe à faire, qui laisse présager de longues années d'études sur des armées de patients.

Si la témérité fait parfois le succès des entreprises en démarrage, les dirigeants de Mimetogen jugent que cette fois, le défi est trop grand.

«Pour une entreprise comme la nôtre, se lancer dans une aventure comme le glaucome, ça n'avait tout simplement pas de sens», dit François Mongrain.

Mimetogen retourne en laboratoire et découvre qu'en modifiant un peu sa molécule, celle-ci semble pouvoir s'attaquer à une autre maladie, cette fois beaucoup moins complexe: le syndrome de l'oeil sec.

La partie semble jouable et Mimetogen appuie sur l'accélérateur. La chance lui sourit. Grâce à sa double présence à Montréal et à Boston, l'entreprise parvient à convaincre des fonds québécois (iNovia Capital) et bostonnais (VIMAC Ventures) de miser sur elle.

L'automne dernier, un autre investisseur, cette fois de Toronto (Medwell Capital), se joint à eux. En tout, de 10 à 15 millions ont été injectés dans la petite boîte.

Après avoir démontré avec succès l'innocuité de son produit sur les humains, Mimetogen en est actuellement à tester sa molécule sur 150 patients dans une étude de phase II, deuxième des trois séries de tests que doivent subir les médicaments avant d'être commercialisés. Les résultats, qui donneront une bonne idée de l'efficacité du produit et qui risquent fort de décider de l'avenir la boîte, sont attendus pour l'automne prochain.

Optimisme

François Mongrain, évidemment, est optimiste.

«On croit avoir un produit intéressant dans une application où il n'existe pas de traitement efficace. L'ophtalmologie est un marché qui croît actuellement deux fois plus vite que l'ensemble du marché pharmaceutique», dit-il.

Le plan de l'entreprise est simple: se servir des bons résultats de phase II pour convaincre une grande société pharmaceutique de financer les études de phase III, dernière étape avant la commercialisation.

Mais Mimetogne voit encore plus loin. Si tout fonctionne comme prévu, la boîte montréalaise compte utiliser les profits et la crédibilité générés avec le syndrome de l'oeil sec pour revenir s'attaquer à son vieux rêve: le glaucome.

«La science, ce n'est pas tout. Il y a toute une question de stratégie là-dedans», dit François Mongrain, qui, entre-temps, prône la simplicité volontaire pour tirer le maximum des fonds qui lui ont été accordés. «J'ai été dans des entreprises avec des opérations de laboratoires substantielles, un paquet d'employés, une animalerie... Mais le modèle change, dit-il. L'âge d'or de l'investissement en biotech est derrière nous et il faut s'adapter. Aujourd'hui, il faut être très, très efficace. Et notre modèle virtuel permet de gérer l'argent des investisseurs au cent près.»

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MIMETOGEN

Fondateurs

Uri Saragovi et Garth Cumberlidg

Président

Garth Cumberlidge

Investisseurs

MSBi Valorisation, iNovia Capital, VIMAC Ventures et Medwell Capital

Le concept en 140 caractères

«Mimetogen conçoit des produits pour le traitement de maladies dégénératives de l'oeil. Elle mène une étude clinique chez 150 patients atteints du syndrome de l'oeil sec.»