Après un bond spectaculaire en janvier, la valeur et les volumes des livraisons manufacturières ont battu en retraite en février tandis que les effets de force du huard se font encore à peine sentir.

En valeur, les ventes des fabricants ont reculé de 1,5%; en volume, de 2,3%, indiquait hier Statistique Canada. En janvier, elles avaient bondi respectivement de 4,4% et de 5,4%.

Le matériel de transport automobile et aéronautique est le grand responsable de ces fluctuations, même si la grande majorité des segments ont reculé ou fait du surplace en février.

Le segment automobile recule de 10,9%, après une poussée spectaculaire en janvier qui coïncidait avec la reprise de production dans certaines usines fermées en décembre, celui de l'aéronautique de 11,3%. Dans le cas du second, l'activité enregistre un repli de 5,1% depuis un an alors que l'auto dans son ensemble progresse de plus de 3,5%.

La faiblesse de février pourrait durer quelques mois encore, compte tenu des ruptures de chaînes d'approvisionnement de plusieurs usines alimentées par le Japon. Ainsi, comme le rapportait la Banque du Canada mercredi, Honda a annoncé le 30 mars qu'elle ferait passer sa production quotidienne au Canada de quelque 700 véhicules à 300 véhicules pour s'adapter à la pénurie de pièces.

La valeur des commandes en carnet a quand même augmenté de 0,4% au cours du mois. «Abstraction faite des produits aérospatiaux (-0,8%), les commandes en carnet auraient progressé de 1,2%», remarque Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale.

À l'échelle provinciale, le Québec, où est concentré le segment aéronautique, a écopé davantage que l'Ontario, qui abrite l'industrie automobile. La valeur des ventes des fabricants québécois a reculé de 2,5%, comparativement à 1,6% pour celle des ontariens.

Étant donné la volatilité des données, le cumul des ventes des deux premiers mois de l'année donne un meilleur aperçu de l'apport qu'aura eu le secteur manufacturier à la croissance du premier trimestre. «Les pertes subies en février n'effacent qu'une partie du terrain gagné le mois précédent, note Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. À ce jour, un gain de 4,0% est donc observé au premier trimestre de 2011, ce qui constitue une nette accélération par rapport la hausse de 2,3% du trimestre précédent.»

Bien malin celui qui sera capable de prévoir si cette tendance pourra être maintenue, compte tenu du net ralentissement que connaît l'économie américaine depuis le début de l'année. Certains prévisionnistes estiment sa croissance à moins de 2% entre janvier et mars, alors que la Banque du Canada estime la nôtre à au-delà de 4%.

Certains segments, comme la première transformation des métaux qui a continué de croître en février, vont encore profiter de l'expansion des économies émergentes.

D'autres, comme le papier ou le bois, sont davantage tributaires de l'économie américaine ou de la force relative de notre monnaie. «Le dollar canadien, qui s'est apprécié de 3,5% jusqu'ici en 2011, va continuer de freiner la demande de biens canadiens», signale Diana Petramala, économiste chez TD.

La difficulté, c'est d'évaluer le décalage entre son appréciation et ses effets néfastes sur les ventes à l'étranger.

La solution passe par des gains de productivité. Contrairement à une idée très répandue, il n'existe pas de liens directs entre une monnaie forte et des gains de productivité attribuables à des achats de machines et d'équipements à meilleur prix, a constaté Douglas Porter, économiste en chef délégué chez BMO Marchés des capitaux. «Nous soupçonnons plutôt que le boom des prix des biens de base dope le dollar canadien tout en entravant la productivité de diverses façons notamment en étouffant la fabrication.»

Une étude récente du Conference Board entérine indirectement cette observation. Son auteur, Louis Thériault, conclut que c'est avant tout l'investissement direct étranger (IDE) qui assure les meilleurs gains de productivité en apportant de la nouvelle technologie et de l'innovation.

À l'échelle internationale, le Canada attire encore une plus grande part des IDE que son poids dans l'économie mondiale, mais il perd du galon. Il était deuxième sur 17 pays observés par M. Thériault en 1980. En 2009, il a glissé au 10e rang.

Pourtant, le Canada attire de plus en plus d'investisseurs qui privilégient toutefois des achats d'actions et d'obligations à l'investissement direct.