C'est parce que le Canada était mieux préparé que ses partenaires qu'il a traversé plus facilement la Grande Récession. Il doit se forger dès maintenant une nouvelle marge de manoeuvre, s'il veut absorber avec le même succès le prochain choc qui viendra inévitablement un jour.

Cela passe avant tout par la diversification des marchés extérieurs et l'amélioration de la productivité des entreprises, surtout celles qui exportent et dont l'avantage concurrentiel s'émousse dans un contexte aggravé par la vigueur persistante de notre monnaie.

Voilà le message qu'a voulu transmettre hier Jean Boivin, sous-gouverneur à la Banque du Canada, au cours de sa première sortie publique montréalaise à ce titre devant l'Association CFA Montréal.

«Malgré le fait que les États-Unis aient connu une récession plus grave et aient fait face à un climat d'incertitude au moins aussi important qu'au Canada, l'évolution des investissements des entreprises canadiennes en machines et matériel s'est avérée moins favorable qu'aux États-Unis», a-t-il rappelé.

Depuis l'éclatement de la récession, les représentants de la Banque s'inquiètent régulièrement des retards pris par les entreprises dans les investissements productifs (hormis peut-être le secteur de l'exploitation des ressources énergétiques et minières).

«Du jamais vu!»

Dans la livraison de janvier du Rapport sur la politique monétaire, les autorités monétaires y consacraient un article complet dans lequel elles justifiaient pourquoi, à leurs yeux, l'économie canadienne devrait profiter bien peu de l'amélioration de leurs prévisions de croissance aux États-Unis.

L'investissement des entreprises a chuté de 22% en 3 trimestres durant la récession. «Du jamais vu!» rappelle M. Boivin.

Ce qui l'inquiète davantage, c'est que, après un an et demi de reprise, l'investissement n'a regagné que 45% du terrain perdu durant la récession.

Si le Canada a pu retrouver le chemin de l'expansion et recouvrer l'ensemble des emplois perdus, un fait unique au sein du G7, c'est qu'il a pu compter sur la consommation des ménages, les plans de relance des gouvernements et... sur l'action efficace de la banque centrale. «C'est grâce à des mesures monétaires et budgétaires expansionnistes, prises de concert avec les autres pays du G20, que l'on a réussi à soutenir la demande intérieure et, ainsi, à contribuer de façon importante à la reprise.»

Un huard qui restera fort

Il ne faudra pas compter sur un affaiblissement prochain du huard pour regagner un avantage concurrentiel. La Banque n'intervient plus sur le marché des devises pour infléchir le taux de change de sa monnaie pour laquelle elle n'a aucune cible officielle.

Samedi à Calgary, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a laissé entendre que le huard est appelé à rester fort dans un contexte de forte demande mondiale des produits de base. «Pour les pays exportateurs de produits de base, l'amélioration des termes de l'échange a tendance à exercer des pressions à la hausse sur le taux de change», a-t-il rappelé devant un auditoire de la Banque interaméricaine de développement.

Ne reste donc que l'investissement, l'organisation plus efficace de la production et la conquête de marchés pour réaliser des gains de productivité pour parer les entreprises et, corollairement, l'économie canadienne tout entière au prochain choc.

«Le niveau de vie que nous pourrons soutenir à moyen terme dépend en définitive de notre capacité à nous attaquer à ces enjeux», prévient M. Boivin.