Qui eût dit ça, il y a quelques mois à peine? Les prix augmentent plus vite aux États-Unis qu'au Canada, alors que les craintes de déflation avaient poussé cet automne la Réserve fédérale (Fed) à activer sa planche à billets.



Les temps changent vite. De janvier à février, l'indice de référence (IPCX) de la Banque du Canada pour mesurer les tendances inflationnistes a reculé de un dixième, sur une base désaisonnalisée, et son rythme annuel est passé de 1,4% à 0,9% seulement, a indiqué hier Statistique Canada.

L'indice des prix à la consommation (IPC) est pour sa part demeuré stable au cours du mois, alors que son rythme annuel a reculé d'une coche, à 2,2%. Au Québec, il a suivi le mouvement inverse pour atteindre 2,2%.

Il s'agit du taux le plus faible depuis sa création en 1985. C'est aussi la première fois qu'il passe sous la fourchette de 1% à 3% dans laquelle les autorités monétaires veulent le voir évoluer.

Un recul était prévu de l'IPCX, qui retranche huit composantes de l'IPC jugées les plus volatiles comme les fruits et les légumes, l'essence, le gaz naturel ou le transport interurbain ainsi que l'effet des taxes indirectes.

En février 2010, il avait bondi de 0,7% avec la poussée des prix de l'hébergement provoquée par la tenue des Jeux olympiques. Sa disparition du glissement annuel avait amené les prévisionnistes à parier sur un rythme de 1,1%. La Banque du Canada prévoit 1,4% pour l'ensemble du trimestre, ce qui paraît élevé, en dépit du rebond attendu en mars.

En comparaison, l'inflation de base américaine, qui exclut en bloc les prix des aliments et de l'énergie, a grimpé de un dixième, à 1,1% Il n'était que de 0,6% en octobre et inquiétait la Fed qui craignait à la fois déflation et rechute en récession.

Le taux d'inflation est maintenant de 2,1% chez nos voisins, mais il s'accélère avec des bonds de 0,4% et de 0,5% en février. C'est désormais l'inflation qui inquiète la Fed, même si elle parle plutôt de montée «passagère» des prix.

La banque centrale européenne, elle, ne fait pas mystère de ses inquiétudes et télégraphie déjà des hausses prochaines de son taux directeur, rivé à 1% depuis plus d'un an.

La poussée des prix de l'essence et aussi des aliments est à l'origine des pressions inflationnistes mondiales, mais elles restent très ténues encore au Canada qui profite en outre de l'effet modérateur de la force du huard sur les prix des biens importés.

Hausse de taux pas avant juin

Le prix de l'essence a progressé de 0,2% en février, comparativement à 1% en janvier, alors que la progression mensuelle de celui des aliments est passée de 0,4% à 0,2%. Celui des vêtements a même reculé.

«Selon nos simulations de l'évolution de l'inflation pendant les quatre prochains mois, l'IPCX devrait rester faible, mais l'IPC progressera vers un taux de 3,0%», précisent Stéfane Marion et Yanick Desnoyers, de la Banque Nationale.

La faiblesse de l'IPCX donne cependant plus de temps à la Banque du Canada pour jauger les risques géopolitiques, ce qui les amène à penser que ce n'est pas avant la mi-juin que les autorités monétaires canadiennes recommenceront à majorer le taux directeur, fixé à 1% depuis septembre.

Sur une base désaisonnalisée, l'IPCX évolue au rythme annuel de 0,7%, ce qui peut s'expliquer davantage par la faible progression des salaires que la mollesse de la croissance. «La bonne tenue relative de l'économie canadienne et la réduction de la surcapacité de production devraient faire que l'inflation de référence se rapprochera de la cible médiane de la Banque du Canada», prédit Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins.

Enfin, la hausse des prix des aliments observée partout dans le monde devrait se répercuter à la fois dans l'IPC et l'IPCX. «Il faut typiquement de 9 à 12 mois avant que cela se répercute au Canada» rappelle Francis Fong, économiste chez TD.