Elles carburent au risque et aux nouvelles idées. Elles veulent révolutionner les technologies vertes, l'internet, les biotechnologies. Par leurs échecs et leurs succès, les entreprises en démarrage du Québec bâtissent l'économie du savoir. Chaque lundi, La Presse Affaires vous présente des acteurs, des technologies et des enjeux liés à l'innovation et à son financement.

Qu'est-ce qui est gros comme une mallette, est rempli de tuyaux et de circuits électroniques et réagit au moindre effluve suspect?

Réponse: un nez électronique. L'invention est signée Odotech, boîte montréalaise qui a installé ses engins dans 22 pays dans des usines de traitement des eaux, composteurs et autres terrains d'enfouissement où ça sent drôle.

Quand ça pue, ces nez électroniques sonnent l'alerte avant que les citoyens des environs ne le fassent. Mieux: ils permettent aux industriels d'ajuster leurs procédés pour que, justement, les mauvaises odeurs cessent.

«On s'est vraiment inspirés du nez humain», dit le fondateur et président de l'entreprise, Thierry Pagé, en nous guidant dans ses labos pleins de fils électriques et d'équipements électroniques.

Du plafond pendent des sacs de plastique transparent remplis de gaz odorants servant à calibrer les nez. Et afin que ceux-ci reniflent vraiment comme des êtres humains, leurs performances sont comparées à celles d'hommes et de femmes à qui l'on fait sentir les mêmes gaz.

Plus loin, dans la salle de réunion, le grand patron vient de faire placarder une immense carte du monde. C'est loin d'être un hasard.

«Si on veut percer avec une nouvelle technologie, il faut avoir des ambitions internationales», indique-t-il.

Objectif monde

Fondée en 1998, Odotech est l'une des premières entreprises du Québec à travailler dans l'industrie - maintenant en plein boom - des technologies propres. Et la boîte se retrouve à un carrefour fort intéressant de la route de l'innovation.

Avec 40 employés et des bureaux en France et au Chili, Odotech a dépassé l'étape de mettre au point des technologies dans son garage. Des produits commercialisables et commercialisés, elle en a déjà. Mais pas question de s'asseoir sur ses lauriers pour autant.

Son défi, aujourd'hui, est double. Conquérir le marché mondial avant de se faire doubler par un concurrent... tout en continuant à faire progresser sa technologie.

«Notre marché est international et notre but est de le dominer. On veut devenir la marque de référence. On veut que les gens disent spontanément notre nom quand ils parlent d'un système de gestion des odeurs en continu», dit M. Pagé.

L'affaire exige de la stratégie. Si Odotech est bien implantée en Europe, M. Pagé se fait discret sur les autres pays où elle exporte ses technologies.

«On sait qu'on a des concurrents qui commencent à nous regarder», explique-t-il.

Cette étape de la commercialisation est souvent décrite comme la faiblesse des entreprises québécoises en démarrage, reconnues pour accoucher d'excellentes technologies pour lesquelles il n'existe pas de marché. Odotech, elle, a fait exactement le chemin inverse.

Un besoin, une technologie

M. Pagé était dans la mi-vingtaine et travaillait sur un doctorat en gestion des odeurs lorsqu'il a décidé de se lancer en affaires.

«J'étais passionné par l'environnement, et c'est finalement la qualité de l'air qui m'a intéressé. Un peu égoïstement, je suis toujours allé vers des choses que j'aimais faire. Et la meilleure façon de travailler en plein dans ce que je j'aimais, c'était de lancer mon entreprise.»

Au départ, Odotech offrait d'aider les entreprises à gérer leurs problèmes d'odeur. Mais M. Pagé a rapidement constaté que les technologies à sa disposition étaient insuffisantes. Les capteurs disponibles permettaient bien de mesurer les odeurs, mais seulement à un moment précis.

Or, M. Pagé rêvait de pouvoir suivre les odeurs en continu. L'avantage: permettre aux industriels de modifier leurs procédés et d'en voir les impacts sur les odeurs... en temps réel.

«C'est un peu comme la différence entre des photos et un film. On a vu un besoin sur le marché et on a articulé une technologie pour y répondre», résume M. Pagé. Odotech a canalisé ses revenus de consultation vers la mise au point de nouvelles technologies. Mais c'était insuffisant. L'entreprise s'est alors tournée vers les investisseurs et les convainc d'y miser du capital-risque.

En 2007, la boîte québécoise a frappé un grand coup en signant une entente d'exclusivité avec la multinationale française de l'environnement Veolia.

«Ils bénéficient d'une technologie unique. Et ils nous amènent à des endroits qu'on n'aurait pas la musculature commerciale de conquérir», résume M. Pagé, qui avoue être vite devenu accro à la vie d'entrepreneur.

«C'est l'excitation de faire quelque chose que les autres n'ont pas fait et de l'exécuter plus vite que les autres, conclut-il. Dans les grosses boîtes, il y a souvent une dynamique de défenseur. Dans les petites boîtes, on n'a pas le choix. Il faut jouer à l'attaque.»

ODOTECH

Fondateur et président Thierry Pagé

Investisseurs

Fondaction CSN, Oddo Asset Management (fonds européen dont le nom n'a rien à voir avec l'odorat) et FIER Croissance durable.

Le concept en 140 caractères

"Surveillance et mesure des odeurs industrielles et municipales. Des experts pour vous aider à mieux gérer vos odeurs et planifier vos projets. " Thierry Pagé

Objectif d'ici un an

Consolider notre présence sur nos nouveaux marchés d'exportation et développer harmonieusement nos filières de compostage, de biométhanisation et de gestion des matières résiduelles au Québec. "

Illustration(s) :