Alors que Quebecor souhaite ramener les Nordiques et veut investir dans un nouveau Colisée, l'entreprise dirigée par Pierre Karl Péladeau revient à la charge pour tenter de diffuser les matchs du Canadien. Quebecor demande pour la deuxième fois au CRTC de forcer le Canadien de Montréal à diffuser ses matchs sur plusieurs réseaux de télé au lieu d'en accorder l'exclusivité à RDS.

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Quebecor n'a pas d'objection à ce que BCE, déjà propriétaire minoritaire du Canadien de Montréal, acquière les réseaux de télé de CTVglobemedia, dont RDS. Mais Quebecor estime que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) doit poser plusieurs conditions, dont celle de forcer RDS à partager la diffusion des matchs du Canadien avec d'autres réseaux. Quebecor possède une licence pour lancer une chaîne spécialisée sportive jusqu'en 2013.

«Cet argument-là n'ira absolument nulle part, dit Mirko Bibic, chef des affaires réglementaires et gouvernementales de BCE, en entrevue à La Presse Affaires. C'est quand même ridicule, car TVA se vantait d'avoir battu les cotes d'écoute des matchs du Canadien avec sa Série Montréal-Québec. Les matchs du Canadien ne sont pas un marché en lui-même. Le CRTC n'a pas à réglementer leur diffusion.»

L'entreprise dirigée par Pierre Karl Péladeau avait fait une première requête pour réglementer la télédiffusion des matchs du Tricolore lors de la demande de licence de sa chaîne spécialisée TVA Sports, mais le CRTC l'avait rejetée en février 2010, estimant «préférable de s'en remettre aux forces du marché».

Afin de justifier l'intervention du CRTC cette fois-ci, Quebecor cite des propos «alarmants» du PDG de BCE (Bell), George Cope, au fait qu'il se servirait de la diffusion des matchs du Canadien à RDS comme avantage concurrentiel au Québec. Selon Quebecor, le conglomérat Bell-CTV «soulève de graves inquiétudes», «risque d'engendrer une série de désavantages indus auxquels elle pourra impunément assujettir ses compétiteurs», et «profitera davantage d'une position indûment avantageuse et clairement anticoncurrentielle».

Pour appuyer ses prétentions, Quebecor fait remarquer que les Maple Leafs de Toronto partagent la diffusion de leurs matchs entre quatre réseaux de télé, dont leur propre réseau Leafs TV.

Trois équipes de la LNH - le Canadien, les Maple Leafs et les Sénateurs d'Ottawa - se sont prononcées en faveur de la transaction Bell-CTV. Dans leur lettre au CRTC, ces trois équipes n'ont pas abordé directement la question du monopole de RDS sur les matchs de hockey du Canadien. «La diffusion des matchs et des activités du club sur les nombreuses plateformes offertes par CTVglobemedia contribue à permettre à la population canadienne d'avoir accès à un contenu sportif canadien très en demande», a écrit au CRTC le président du Canadien, Pierre Boivin.

Pourquoi le CRTC doit-il réglementer différemment la diffusion des matchs de ho-ckey? «Les événements sportifs ne peuvent être reproduits contrairement à une émission comme Le banquier ou Star Académie puisque la popularité d'un événement sportif dépend essentiellement de facteurs tels que la réputation d'une ligue, la renommée d'une équipe ou la performance d'un joueur», écrit Quebecor au CRTC.

Dans une lettre au CRTC, BCE rejette en bloc les arguments de Quebecor, qui «n'ont rien à voir avec la disponibilité du hockey pour les téléspectateurs canadiens, mais avec la disponibilité du hockey dans la programmation de Quebecor. Les événements sportifs en question sont accessibles à tous les distributeurs, incluant Vidéotron qui appartient à Quebecor».

Quebecor, qui vient de lancer l'émission sportive de fin de soirée Le match à TVA et à LCN en plus de posséder une licence pour sa chaîne spécialisée TVA Sports jusqu'en 2013, fera valoir son point de vue au CRTC la semaine prochaine au cours des audiences sur la transaction BCE-CTV. Le CRTC a reçu 547 interventions des gens de l'industrie et du public en prévision de ces audiences.

Au nombre des intervenants, le câblodistributeur québécois Cogeco s'est prononcé en faveur de la transaction, mais pose une condition: que le CRTC ne permette pas à CTV de recevoir d'éventuelles redevances sur les revenus du câble comme les autres réseaux privés généralistes.

Aussi en faveur de la transaction, le réseau V demande toutefois un assouplissement des règles de programmation et de contenu régional pour les réseaux généralistes qui, comme lui, ne font pas partie d'un conglomérat médiatique. V veut aussi rendre obligatoire la distribution de toute nouvelle chaîne spécialisée lancée par un réseau généraliste indépendant. V attend justement l'autorisation du CRTC afin de lancer deux chaînes spécialisées - Bella et V-Max - en 2012.