La faiblesse de la croissance économique a pris de court la Banque du Canada, qui devra peut-être maintenir plus longtemps que prévu de faibles taux d'intérêt. Pendant ce temps aux États-Unis, la Réserve fédérale a reçu, elle, un coup de main inespéré de la part du président Obama.

La faiblesse accrue du commerce extérieur durant l'été a surpris la Banque du Canada qui misait encore le mois dernier sur une meilleure performance d'ensemble de notre économie.

À cette déception s'est ajoutée la résurgence des préoccupations entourant la dette souveraine de plusieurs États de la zone euro.

C'est donc sans surprise aucune qu'elle choisit de reconduire son taux cible de financement à un jour pour la deuxième fois d'affilée.

À la lecture du communiqué faisant part de son annonce, les intervenants des marchés ont rajusté leur tir. Une majorité d'entre eux croient désormais que le taux directeur n'augmentera pas avant la seconde moitié de 2011. Il devrait désormais s'établir, selon ces gageures, à 1,5% au lieu de 1,75% à la fin de l'an prochain.

Depuis le 8 septembre, le taux cible a été fixé à 1,0% après trois hausses de 25 centièmes d'affilée.

«L'activité économique au deuxième semestre de 2010 semble un peu plus faible que la Banque ne l'avait projeté dans la livraison d'octobre du Rapport sur la politique monétaire (RPM)», lit-on dans le communiqué.

Dans le RPM, la Banque avait misé sur une croissance annualisée de 1,6%, au troisième trimestre, et de 2,6%, au quatrième.

Or, durant l'été, l'expansion a été contenue à 1,0%, avec en plus un léger repli en septembre qui ne fournit aucun acquis de croissance pour l'automne.

«Les autorités monétaires évaluent la croissance du potentiel de production à 1,6% pour l'année 2010, rappelle Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Avec une hausse du PIB réel de seulement 1,0%, l'output gap (l'écart accumulé entre la production réelle et potentielle) négatif s'est donc élargi durant la période.»

La Banque se montre des plus préoccupée par «des résultats décevants sur le plan de la productivité conjugués à une vigueur persistante du dollar canadien» susceptibles de «brider la reprise attendue des exportations nettes».

La Banque constate en plus que «la demande intérieure privée se redresse lentement aux États-Unis».

Lentement, mais sûrement. L'agence de notation Moody's a précisé hier que le taux de défaillance sur les obligations corporatives de nature spéculative était tombé à 3,3% en novembre. Il y a un an, le taux de défaillance des junk bonds avait atteint 14,7%, un sommet du présent cycle. Les entreprises américaines se portent donc beaucoup mieux.

«La Banque peut se permettre de rester sur la touche pour évaluer les effets qu'auront sur la demande intérieure la deuxième phase de détente quantitative aux États-Unis et la reconduction juste annoncée des réductions d'impôt de l'administration Bush», jugent Stéfane Marion et Paul-André Pinsonnault, économistes à la Banque Nationale.

Les autorités monétaires notent aussi que les dépenses des ménages canadiens ont été plus fortes que prévu au troisième trimestre. Elle ne relève pas cette fois-ci leur niveau d'endettement, un sujet d'inquiétude pourtant au printemps.

La torpeur de l'économie se reflète aussi sur le marché du travail qui peine à créer des emplois depuis l'été, même si le taux de chômage est descendu à 7,6% le mois dernier.

Ce chiffre est trompeur puisqu'il reflète avant tout un recul du taux d'activité, c'est-à-dire de la portion des 15 ans et plus qui détient ou cherche activement un emploi.

«Si tous les travailleurs découragés depuis la récession se remettent soudainement à chercher du travail, alors le taux de chômage potentiel est plutôt de 9,6%», calcule Mark Hopkins, économiste principal chez Moody's Analytics.

Sur la scène internationale, la Banque craint que «les préoccupations entourant la dette souveraine dans plusieurs pays» puissent provoquer «des tensions renouvelées sur les marchés financiers internationaux».

La Banque juge enfin que la dynamique de l'inflation canadienne est conforme à ses attentes, bien que la hausse tendancielle des prix en octobre a surpris quelque peu les observateurs.

«Avec un baril de pétrole à 90$ (22% plus haut que l'an passé et un record de plus de deux ans) et l'indice des commodités qui fait de même, il est certain que l'on va voir poindre certaines hausses de prix en 2011», prédit François Barrière, vice-président développement des affaires marchés internationaux à la Banque Laurentienne.

Voilà pourquoi certains observateurs croient que les autorités monétaires devront normaliser leur taux directeur plus vite que ce à quoi s'attendent les marchés. «On pense toujours qu'on s'en va vers un taux de 2% à la fin de 2011, souligne Denis Sénécal, vice-président des titres à revenus fixes au Canada chez Gestion Globale State Street. Il y a aussi la banque centrale européenne qui souhaite revenir à un taux directeur plus neutre.»

La prochaine annonce de fixation du taux directeur aura lieu le 18 janvier.