Un titre vénérable mais déclinant de la presse magazine américaine, Newsweek, a officialisé vendredi son mariage avec le site internet The Daily Beast, espérant déboucher sur une combinaison gagnante de «profondeur» journalistique et d'impertinence.

«Dans une période que l'on peut dire difficile, cette fusion combine idéalement une autorité du journalisme avec le talent d'un site internet brillant et impertinent», a estimé le nouveau propriétaire de Newsweek, le milliardaire Sidney Harman.

M. Harman, qui s'était mis en quête d'un rédacteur en chef pour son hebdomadaire vieux de 77 ans, tombé au au 26e rang de la presse magazine américaine, a finalement obtenu le plus grand nom de la presse magazine anglo-saxonne, Tina Brown. Elle va va être rédactrice en chef à la fois de Newsweek et de The Daily Beast, qu'elle a lancé en octobre 2008.

«Je vois Newsweek et The Beast comme un mariage entre la profondeur journalistique de Newsweek et la vitalité versatile que The Daily Beast a installée sur le web», a dit Tina Brown.

Tina Brown, 57 ans, a longtemps eu la réputation d'un faiseur de miracles pour la presse magazine: elle avait repris en main à seulement 25 ans le magazine Tatler, qui vivotait, puis relancé Vanity Fair et enfin The New Yorker, avant un échec cuisant, le luxueux Talk, lancé en 1998 et disparu trois ans plus tard.

Il y a deux ans, Mme Brown, d'origine britannique, a lancé le site «The Daily Beast» qui, sur un modèle proche de celui du Huffington Post d'Arianna Huffington, combine informations, blogs et contributions de plumes connues.

«J'ai fait tellement d'information sur le web que je peux vraiment voir ce qu'a un magazine à offrir», a-t-elle déclaré à la radio publique NPR.

Par rapport au «rythme effréné du web», a-t-elle dit, la presse magazine offre «un autre rythme narratif: dans un magazine, on peut avoir plus de réflexion, plus de récit, plus de prédiction».

«L'erreur de beaucoup de magazines est de vouloir concurrencer le web, alors qu'un magazine peut offrir quelque chose de différent», notamment «un point de vue plus réfléchi» et «du sens», a conclu Mme Brown.

Mais certains ont des pronostics réservés pour la nouvelle société à 50/50, dénommée The Newsweek Daily Beast Company: Newsweek, fondé en 1933, perd de l'argent depuis 2007, et selon des informations de presse, The Daily Beast s'apprête encore à perdre dix millions de dollars cette année.

En outre, The Daily Beast et Newsweek ont des audiences limitées ou déclinantes: Newsweek a perdu presque 15% de son lectorat entre 2008 et 2009, pour garder une diffusion de quelque 2,3 millions d'exemplaire, pour un lectorat potentiel évalué à 19 millions.

The Daily Beast peine à se faire une place au premier rang des médias web: il revendique 5 millons de visiteurs uniques par mois, contre 40 millions revendiqués par The Huffington Post, fondé deux ans et demi plus tôt.

«Cela fait si longtemps que Newsweek est mourant, que je ne sais pas comment il peut être ranimé et continuer à ressembler à Newsweek», a souligné Dan Kennedy, professeur de journaliste à l'université Northeastern.

En outre, le mariage des «vieux» et «nouveaux» médias ne lui semble pas particulièrement original: «Le Washington Post possède Slate, le New York Times possède plusieurs sites - qu'y a-t-il de neuf?»

«Je suppose que les gens se passionnent pour (cette histoire) parce que le nom Newsweek veut encore dire quelque chose, mais c'est une coquille vide», a ajouté M. Kennedy.

La nouvelle société aura pour président exécutif du conseil d'administration Sidney Harman. Barry Diller, le patron du grand groupe de médias internet IAC proprétaire de The Daily Beast, siègera au conseil d'administration.