Des actions échangées à Toronto et des obligations américaines, certes. Et pourquoi pas quelques parcelles de terres agricoles de Saint-Narcisse pour compléter votre portefeuille? C'est ce que propose Agriterra, nouvelle société de Trois-Rivières, avec un premier fonds d'investissement québécois consacré aux terres agricoles.

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L'idée d'Agriterra est née quand Guillaume Poulin, banquier d'affaires et avocat, discutait Bourse avec son beau-père Roger Gauthier, qui dirige une entreprise de distribution de fertilisants. «Roger me disait que ses terres agricoles avaient toujours représenté son meilleur rendement», raconte Guillaume Poulin.

Depuis 1996, la valeur des terres agricoles au Québec a doublé. La valeur a augmenté chaque année, sauf de 2003 à 2005. Dans la période de 10 ans terminée le 31 décembre 2009, les terres agricoles ont rapporté un rendement annuel composé de 6%, contre 3,4% pour le S&P/TSX.

«On pense que les terres agricoles représentent de très bons actifs pour les investissements à long terme et qu'elles génèrent des rendements intéressants avec peu de volatilité, soutient Guillaume Poulin. On veut offrir cette possibilité d'investissement à des gens qui ne sont pas du milieu agricole.»

Agriterra a déjà acheté une première terre, à Saint-Narcisse, en Mauricie. Et il ne devrait pas être trop difficile d'en dénicher d'autres, affirme Roger Gauthier. Avant même qu'il soit question du fonds, on lui offrait d'acheter une terre par mois, raconte-t-il.

«Mais je ne vais pas acheter de bazou, je veux un Cadillac. J'ai des critères de sélection sévères. Je veux des terres rentables, pour que les gens soient intéressés à louer.»

Agriterra louera les terres qu'elle possède et redistribuera les revenus de location aux porteurs de parts. Selon Guillaume Poulin, les loyers annuels sont de 2,5% à 4,5% de la valeur de la terre.

Le fonds sera liquidé après cinq, sept ou neuf ans, selon la volonté des investisseurs, pour profiter de la hausse des valeurs.

Réticence de l'UPA

L'Union des producteurs agricoles (UPA) affiche une certaine réticence par rapport à l'arrivée de cette première société d'investissement. Le syndicat craint la spéculation et s'inquiète de la hausse des prix des terres. «Il y a donc lieu d'être extrêmement vigilant, la souveraineté alimentaire s'appuyant notamment sur l'accès à des terres agricoles fertiles et exploitées par des producteurs-propriétaires qui les cultivent pour leurs concitoyens», souligne l'UPA.

Mais les dirigeants d'Agriterra se défendent de faire de la spéculation, étant donné qu'ils garderont les terres pour un minimum de cinq ans. Ils croient aussi que le fonds pourra aider certains producteurs.

«J'ai sur mon bureau le dossier d'un producteur qui a acheté une terre, mais qui n'a plus les moyens de payer, raconte Roger Gauthier. On va acheter la terre et la lui louer, on va lui donner de l'oxygène en diminuant sa dette et augmenter ses liquidités.» Il perdra l'augmentation éventuelle de la valeur de sa terre, «mais au moins il ne terminera pas en faillite pour ensuite rendre sa terre à la banque».

Agriterra estime aussi que les jeunes agriculteurs, incapables d'acheter des terres déjà trop chères, pourraient également être intéressés à la location d'une terre, avec une option d'achat au bout du bail.

Agriterra tente actuellement d'intéresser les courtiers en valeurs mobilières au projet.

L'objectif est de rassembler 3 à 5 millions de dollars dans les trois premières années, puis, si tout va bien, 10 millions au bout de cinq ans. «On ne veut pas aller trop vite, on veut pouvoir bien investir les fonds qu'on va recueillir», dit Guillaume Poulin.

Il y a de moins en moins de terres agricoles pour une demande mondiale toujours plus forte, ce qui fait grimper la valeur des terres. Chaque investissement a toutefois sa part de risques. Si de nouvelles technologies provoquaient un bond substantiel de la productivité dans les 10 ou 15 prochaines années, note M. Poulin, chaque lot deviendrait un peu moins essentiel et sa valeur diminuerait.