Le marché du travail avait encore du ressort le mois dernier au Canada, et au Québec en particulier, mais il demeurait des plus anémiques au sud de la frontière.

D'un océan à l'autre, 37 100 nouveaux emplois à temps plein ont largement compensé la perte de 43 700 postes à temps partiel occupés essentiellement par les jeunes. Le nombre d'heures travaillées a d'ailleurs augmenté de 0,2% d'août à septembre.

Le taux de chômage a diminué d'une coche à 8,0%, a indiqué hier Statistique Canada, car le retrait de 24 400 personnes de la population active (tous dans la cohorte des 15-24 ans) a été quatre fois plus élevé que la perte nette d'emplois.

Au Québec, le bilan est beaucoup moins ambigu : 15 200 nouveaux emplois, tous à temps plein, et un taux de chômage qui recule de cinq dixièmes à 7,7%. «Il faut remonter à décembre 2008 pour qu'un taux plus bas soit observé (7,6%)», souligne Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. Au déclenchement de la récession, il se situait à 7,3%.

La société distincte comptait le mois dernier 62 700 emplois de plus qu'avant la récession, selon les calculs de la Banque TD.

À l'échelle du pays, les résultats de l'Enquête sur la population active indiquent aussi que les pertes d'emploi ont été concentrées chez les travailleurs autonomes tandis que les secteurs public et privé ont légèrement grossi leurs effectifs.

Quel contraste avec la situation américaine! Chez nos voisins, les entreprises ont embauché 64 000 personnes, dont plus du tiers dans la restauration, mais l'administration publique en a licencié 159 000. Si la moitié occupait des emplois temporaires liés au recensement décennal, les autres suppressions résultent de l'austérité budgétaire des municipalités aux prises avec des rentrées fiscales amaigries.

Malgré le solde de 95 000 emplois en moins (les attentes étaient de moins 5000 seulement), le taux de chômage est resté stable à 9,6%, en raison d'une diminution du nombre de personnes à la recherche active d'un emploi. Il s'agit d'un 14e mois d'affilée où le taux de chômage atteint ou dépasse la barre des 9,5%. Cela établit un record depuis l'établissement de cette série statistique en 1948 que ne manqueront pas de répéter les républicains à l'approche des élections de mi-mandat, le 2 novembre. «Il y a maintenant plus d'un an que la reprise est en marche, mais les États-Unis ont récupéré moins de 10% des emplois détruits par la récession», souligne James Marple, économiste principal à la Banque TD.

Un malheur n'arrive jamais seul. Le département du Travail a aussi indiqué que les révisions préliminaires des chiffres depuis mars laissent entrevoir une surévaluation de 366 000 du nombre de travailleurs.

Si l'austérité budgétaire va continuer de décimer les rangs des policiers, des pompiers et des enseignants, le ralentissement économique indique que les entreprises hésitent davantage à embaucher : les 64 000 emplois de plus dans le secteur privé font suite à 93 000 en août et 117 000 en juillet.

Les perspectives canadiennes sont un peu plus encourageantes. «La masse salariale totale est en hausse de 4,8% en chiffres annualisés au troisième trimestre, notent Yanick Desnoyers et Matthieu Arseneau de la Banque Nationale. Elle se situe maintenant à 4,1% au-dessus du sommet d'avant la récession. Le marché du travail continuera donc de soutenir la demande intérieure au Canada.»

Cela dit, force est de constater que le secteur privé canadien est moins porté à grossir ses effectifs. Il supprimé presque 40 000 emplois au troisième trimestre.

L'austérité budgétaire guette aussi l'embauche dans le secteur public, ce qui pousse la grande majorité des économistes à prévoir que la Banque du Canada reconduira son taux directeur à 1,0%, le 19 octobre, après trois hausses d'affilée.

Les autorités monétaires ont d'ailleurs dévoilé hier les résultats trimestriels de l'Enquête sur les perspectives des entreprises, menée du 15 août au 15 septembre. Dans l'analyse des résultats, on peut lire que les entreprises se montrent modérément optimistes, mais s'attendent à une croissance modeste, surtout en raison de la détérioration de l'économie américaine.

Plus que jamais, elles ont l'intention d'investir en machinerie et équipement.

Une sur quatre a toujours l'intention d'augmenter son effectif au cours des prochains mois, alors que c'était deux sur cinq, dans l'enquête précédente. Plus d'une sur trois aurait des difficultés à faire face à une demande inattendue.

«Si les intentions d'embauche sont moins fortes, elles restent positives», résume Derek Holt, vice président à la recherche économique chez Scotia.