Au cours des dernières années, on observe une «professionnalisation» des conseils d'administration dans tous les secteurs d'activités. Scandale après scandale, on dénonce le laxisme et, parfois, l'incompétence des membres des conseils d'administration des organisations fautives. Les autorités ont réagi en adoptant des lois, des règles et des processus qui encadrent davantage les actions des administrateurs dans le but de protéger les intérêts des investisseurs et bénéficiaires de services. Les administrateurs d'organismes à but non lucratif (OBNL) n'échappent pas à ces nouvelles règles de gouvernance puisqu'ils ont la responsabilité de s'assurer que les dons et contributions provenant des différents bailleurs de fonds privés et publics soient utilisés dans le meilleur intérêt des usagers ou bénéficiaires des services.

Nos travaux auprès de plusieurs OBNL nous ont permis de constater la mise en place de politiques de gouvernance, de règles d'éthique, de comités de recrutement et d'évaluation des membres. Les profils d'administrateurs recherchés sont des experts en gestion, en droit ou en finances. De plus, on observe une présence accrue de membres indépendants. Cette systématisation des processus et du choix des administrateurs a permis à l'ensemble des dirigeants du secteur des OBNL de mesurer l'ampleur des responsabilités qui incombent aux administrateurs bénévoles et de mieux comprendre la valeur ajoutée d'un «bon» conseil d'administration.

Mais, au fait, qu'est-ce qui caractérise un «bon» conseil? Nos recherches dans ce secteur nous permettent d'avancer quelques éléments de réponse. D'abord, plusieurs chercheurs observent que l'efficacité d'un conseil dépend en partie des individus recrutés et des processus mis en place, mais aussi du climat de confiance qui s'installe entre le directeur général et les membres du conseil. Puisque les membres du C.A. sont bénévoles et souvent choisis pour leur expertise personnelle plutôt que pour leurs connaissances des activités de l'organisme, il revient au directeur général ou au coordonnateur d'informer et de guider les membres du conseil vers les actions les plus structurantes et les plus prometteuses pour l'organisme. Recueillir des fonds? Surveiller l'allocation des ressources financières? Conseiller la direction générale sur un problème de fonctionnement? Toutes ces actions peuvent faire partie de l'éventail des tâches d'un membre de C.A. bénévole. Ce qui importe, c'est de bien déterminer à qui demander quoi!

En général, les OBNL disposent de peu de ressources humaines et financières. Il peut arriver qu'occasionnellement, on demande aux membres du C.A. de «tourner les oeufs dans la poêle», autrement dit de s'engager dans les activités quotidiennes. Par exemple, une intervention auprès d'un bénéficiaire des services, une participation dans le règlement d'un litige ou dans la négociation d'une entente de services peuvent grandement aider l'OBNL et son équipe. S'agit-il là des fonctions relevant de la gouvernance? Au sens strict, la réponse est non. Pourtant, plusieurs directeurs généraux nous ont dit apprécier fortement ce type d'aide ou de conseils des membres de leur C.A. Lors d'une entrevue, un directeur a fait ce commentaire: «Le rôle conseil et le bénévolat sont les contributions les plus importantes des membres de mon C.A. qui, autrement, attendent qu'on leur fournisse des rapports.»

On nous rapporte aussi qu'un «bon» conseil dépendra également des atouts de son président et du temps qu'il consacrera à cette tâche... bénévole. L'Institut canadien des comptables agréés vient de mettre à jour un fascicule intitulé 20 questions que les administrateurs d'organismes sans but lucratif devraient se poser sur le recrutement, la formation et l'évaluation des membres du conseil. On y lit que l'une des premières qualités que doit posséder un président est «un grand intérêt pour l'organisme et un fort engagement à son égard». Dans les faits, nos travaux confirment qu'un «bon» conseil est davantage stimulé par l'équipe «président/DG» qui choisit de s'approprier le projet de l'organisme. Dans ces cas, on parle d'une équipe de gouvernance où les liens hiérarchiques ne sont pas une barrière entre le DG et le président, mais plutôt un moyen pour réussir à atteindre les objectifs de l'organisme.

En conclusion, il semble que le «bon» C.A. dans le contexte des OBNL est un modèle hybride qui mérite d'être inspiré des récentes règles de gouvernance visant à mieux structurer les actions du conseil. Toutefois, il doit préserver son caractère d'entraide et d'engagement au service des bénéficiaires, la raison d'être de ces organismes.

Johanne Turbide, Ph. D., M. Sc., CA est professeure titulaire à HEC Montréal, présidente du conseil d'administration d'Espace Verre et responsable du Groupe de recherche sur les organismes à but non lucratif, communautaires ou culturels.