Il y a beaucoup de studios de jeux vidéo à Montréal. Trop, selon certains décideurs du milieu.

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«Je suis tanné que le gouvernement continue de courir après les entreprises quand on lui dit qu'on a plus de jobs, dit Rémi Racine, président de Artificial Mind and Movement (A2 M). On a assez de jeunes qui sortent de l'université, mais pas assez de talent senior. Nous grossissons trop vite. Il y aura un étranglement sur le marché.»

Depuis un an, trois nouveaux studios se sont installés dans la métropole, portant le nombre de studios au Québec à 32. Ensemble, Funcom, Warner Brothers et THQ engageront 860 employés d'ici cinq ans. «Trois studios en sept mois, c'était trop. On n'en subit pas encore les effets mais le jeu vidéo est un écosystème très fragile. Le prochain studio devra être bien espacé dans le temps», dit Stéphane D'Astous, qui a ouvert un studio de 350 employés en 2007 pour le compte d'Eidos, une entreprise japonaise attirée par le talent québécois.

«L'industrie a maintenant besoin de stabilité, dit Yannis Mallat, PDG d'Ubisoft Montréal. C'est une industrie créative et hautement technologique. On a besoin de talent senior. L'arrivée de nouveaux joueurs peut déstabiliser l'industrie à long terme. Transférer des emplois, ce n'est pas créer des emplois.»

Le grand patron du petit dernier de l'industrie montréalaise du jeu vidéo n'est pas d'accord avec cette analyse. «L'innovation, c'est un sport de contact, dit Martin Carrier, directeur du studio de Warner Brothers Games. La concurrence attire les meilleurs et force tout le monde à être plus créatif. À Hollywood, on ne se demande pas s'il y a trop de films ou trop de studios. En plus, Ubisoft est en train d'exporter du talent supérieur de Montréal à Toronto. Il y a une incohérence dans leur discours.»

L'arrivée des nouveaux studios pourrait-elle mettre en péril à long terme la réputation de Montréal? «Tant et aussi longtemps qu'on pourra sortir de nouveaux jeux de qualité supérieure, ça ira. Mais il faut prendre soin de nos talents», prévient Yannis Mallat, PDG d'Ubisoft Montréal, qui ajoutera 600 nouveaux emplois dans ses studios de Montréal et Québec d'ici 2013 pour porter son nombre d'employés dans la province à 3000.

Le ministre du Développement économique du Québec, Clément Gignac, veut bien écouter les doléances de l'industrie, mais pas question de fermer la porte à l'arrivée de nouveaux studios. «S'il y a des gens qui viennent cogner à notre porte, nous sommes prêts à discuter, dit le ministre Gignac. Si nous attirons des studios durant une crise, alors qu'on a vu une contraction de la main-d'oeuvre du jeu vidéo dans d'autres villes, imaginez quand il y aura une reprise économique...»

Avis aux dirigeants de studio montréalais qui ne veulent pas de nouvelle concurrence, l'ancien économiste de la Banque Nationale sera difficile à convaincre. «Si Harvey's s'installe sur la rue principale et que McDo vient s'ajouter, ça attire encore plus de clientèle parce que c'est là que ça se passe, dit-il. Je prétends que c'est la même chose (avec les jeux vidéo).»