Que ce soit pour dénicher un notaire ou un exterminateur, les nouveaux services de soumissions en ligne nécessitent quelques précautions. Et leurs vrais clients, ce sont les fournisseurs.

Faire faillite par courriel? C'est ce que semble suggérer la petite annonce du site FailliteParCourriel.com, vue sur le web.

Le site en question est un peu plus explicite: il s'agit en fait d'un carrefour qui transmet les S.O.S. des consommateurs surendettés à un éventail de syndics de faillite de leur région.

L'opération est résumée en trois étapes: envoyez votre demande à plusieurs syndics; «attendez tranquillement» les offres de services; choisissez la meilleure firme.

On demande au consommateur en désarroi financier de fournir quelques renseignements: sa région, le nombre de dépendants, la fourchette de revenu du ménage, le total approximatif des dettes, leur nature... Le nom et le numéro de téléphone sont optionnels, mais il faut évidemment fournir son adresse courriel.

Selon le site, 96 syndics de faillite sont inscrits à ce service. Pour une demande faite au Saguenay, le choix se limite à deux syndics de Rivière-du Loup, ville située à 178 km de Chicoutimi.

Ce service n'est pas offert par une association de syndics de faillite. Il émane plutôt d'une jeune entreprise de marketing par voie électronique, Opportunités par courriel. FailliteParCourriel.com est un des 14 sites semblables énumérés sur le site ToutParCourriel.com: notaire, déménageur et même exterminateur par courriel. Y compris la voie qui peut mener à utiliser le service Faillite par courriel: Crédit par courriel.

Fournisseurs inscrits à leur insu

Petit appel à une notaire de Repentigny, dont le nom apparaît sur NotaireParCourriel.com.

«Je ne savais pas du tout que j'étais là-dessus!» s'exclame Me Stéphanie Fournier, qui avait reçu deux demandes de soumissions par courriel au cours des deux semaines précédentes. «J'essayais de savoir d'où ça provenait et je n'en avais aucune idée. Je pensais même que c'était par l'entremise de la Chambre des notaires!»

Opportunités par courriel ne demande pas l'autorisation des entreprises dont elle fait apparaître le nom sur ses nouveaux sites. Elle les déniche sur l'internet, où elles s'affichent déjà, et les inscrit d'office sur son site.

Elle ne demande toutefois aucune commission sur les mandats ou contrats qui seraient conclus par son entremise, assure son président Denis Jutras. Ses revenus proviennent des services qu'elle proposera par contrat à l'entreprise - campagne de publicité en ligne, avis par messagerie texte, etc.

«Tant qu'on ne paie pas, c'est correct!» dit Me Fournier, dont les réponses envoyées à ses deux correspondants électroniques n'ont pas eu de suite.

Les premiers sites d'Opportunités par courriel - VoyageParCourriel.com, HypothequeParCourriel.com, notamment - ont été lancés en janvier 2009. Le prototype, AutoParCourriel.com, est en lien avec l'ensemble des concessionnaires automobiles du Québec.

De 3000 à 4000 demandes transitent chaque mois sur l'ensemble des sites d'Opportunités par courriel. La société se dirige vers un chiffre d'affaires de près de 1 million de dollars cette année, indique Denis Jutras. Son objectif ne manque pas d'envergure: «On veut devenir la prochaine évolution des Pages Jaunes», dit-il, évoquant l'exemple d'un futur CalvitieParCourriel.

Du point de vue du consommateur

Les consommateurs y trouvent-ils leur compte? Denis Jutras assure qu'avec ces enchères pour le plus bas prix, ils trouvent ainsi une partie du pouvoir que le web était censé leur accorder. «Il faudra 30 secondes au consommateur pour remplir notre formulaire», lequel sera envoyé à un maximum de cinq fournisseurs, explique-t-il. «Ça permet au consommateur d'attendre et de dire: c'est à vous de me démontrer avec qui je devrais faire affaire.»

Charles Tanguay, porte-parole de l'Union des consommateurs, est plus circonspect. «Les renseignements que vous fournissez peuvent être transmis à des entreprises tierces, qui sont, je présume, les commerçants répertoriés par ToutParCourriel, observe-t-il. Il faut d'abord faire une profession de foi à l'égard de ToutParCourriel, mais de plus à l'égard de toutes les entreprises qui pourraient faire affaire avec ToutParCourriel.»

Il recommande donc au consommateur qui veut utiliser ces services de se munir «d'une adresse courriel faite sur mesure et jetable».

Mais revenons à la faillite par courriel. «Même si un consommateur était dirigé vers un syndic par l'intermédiaire de ce site, cela n'aurait aucun impact sur les obligations du syndic envers le consommateur, indique Michael Hammond, porte-parole du Bureau du surintendant des faillites (BSF). En effet, le syndic et son personnel ont l'obligation de rencontrer cette personne, de revoir avec elle sa situation financière et de l'informer quant aux différentes options pour l'aider à résoudre ses problèmes financiers.»

Il rappelle que le site du BSF comporte un outil de recherche de syndics par région. Cet outil nous permet d'apprendre que Chicoutimi compte deux bureaux de syndics.