Plus d'un an après le lancement de Teralys, le plus gros réservoir de capital-risque au pays n'a toujours pas investi un cent dans l'industrie des sciences de la vie. Et selon le grand patron, Jacques Bernier, c'est parce que les fonds auxquels Teralys destine son argent... n'en veulent tout simplement pas.

Teralys, un «fonds de fonds» mis sur pied conjointement par la Caisse de dépôt, le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec, a pour mission de renflouer les coffres des fonds de capital-risque. Ces fonds investissent à leur tour dans des entreprises technologiques prometteuses dans l'espoir de les voir grandir et générer des profits. Avec 700 millions sous gestion, Teralys est le plus gros réservoir de capital-risque au Canada.

Teralys s'est engagé à investir 25% de son portefeuille en sciences de la vie, dont la moitié au Québec. Or, en entrevue à La Presse Affaires, son président, Jacques Bernier, a révélé qu'aucun des fonds québécois de capital-risque actifs en sciences de la vie ne l'a encore pressenti pour obtenir de l'argent.

«Nous, on investit dans des fonds. Il faut qu'il y ait des fonds qui viennent cogner à la porte pour nous dire: on en veut (de l'argent, N.D.L.R.)», dit M. Bernier.

Mais ni CTI Sciences de la vie, ni AgeChem, ni Inobia, les trois fonds actifs en sciences de la vie au Québec identifiés par M. Bernier, n'ont encore présenté de demande à Teralys.

«Pourquoi ils ne nous ont rien demandé? Parce que techniquement, dans leurs fonds, ils ont encore de l'argent pour faire des transactions», dit M. Bernier.

Encore de l'argent? La chose peut surprendre quand on sait que les entreprises de biotechnologies se plaignent de manquer de fonds au point où la survie de plusieurs serait menacée.

«Le feu est pris dans la cuisine», martèle à ce propos Yves Rosconi, président du conseil d'administration de BioQuébec, que La Presse Affaires a invité à discuter du financement des biotechs à la même table que Jacques Bernier.

«Autant il y a une urgence parce qu'il y a beaucoup de compagnies en train de mourir, autant il y a encore de l'argent disponible. Cette adéquation-là n'est pas là en ce moment», admet Jacques Bernier.

Faire rimer offre et demande

Des besoins criants d'un côté... et de l'argent qui attend de l'autre. Comment justifier un tel paradoxe?

Chez les fonds de capital-risque québécois, on évoque diverses raisons pour expliquer le fait que l'on ne se précipite pas sur l'argent de Teralys pour l'investir dans les entreprises.

«Pour l'instant, on n'a pas fait de demande à Teralys, mais ça ne veut pas dire qu'on ne va pas en faire. Notre fonds a démarré en juin 2006, et on estime que pour prétendre demander de l'argent à Teralys, il faut d'abord démontrer notre savoir-faire», dit Jean-François Leprince, associé directeur chez CTI Sciences de la vie.

AgeChem, autre fonds de capital-risque québécois spécialisé en biotech, a quant à lui été sélectionné pour mettre sur pied un nouveau fonds d'amorçage destiné aux entreprises en démarrage et y investit actuellement ses énergies.

«On n'est pas en levée de fonds active en ce moment. Est-ce que dans un an ou deux on aura un autre projet de lever un fonds? Ce n'est pas défini», dit Louis Lacasse, associé principal senior.

En fait, tant Jacques Bernier, de Teralys, qu'Yves Rosconi, de Bioquébec, reconnaissent que le manque d'enthousiasme des fonds de capital-risque s'explique probablement par un fait bien simple: plus souvent qu'autrement, ils finissent par perdre l'argent qu'ils misent sur les biotechs, des entreprises risquées qui demandent des années de travail pour accoucher d'un succès.

«Sur la planète, le secteur des sciences de la vie est en déroute, dit Jacques Bernier. Il n'a jamais donné de rendement, il n'a jamais donné de profitabilité. La très, très, très grande majorité des fonds en sciences de la vie ont perdu de l'argent au cours des 15 dernières années.»