Le Conseil de presse a l'intention de continuer à exister et à étudier les plaintes contre le Journal de Montréal et le Journal de Québec, bien que ceux-ci aient quitté l'organisme.

Le président du Conseil de presse, l'ancien juge John Gomery, a fait savoir mardi qu'il rencontrera le président et chef de la direction de Quebecor Média, Pierre Karl Péladeau, le 15 juillet, et il espère bien le convaincre de revenir sur sa décision.

«C'est une matière de très grande importance pour l'avenir et même la survie du Conseil de presse.

Nous voulons par tous les moyens possibles convaincre Sun Media et ses dirigeants de l'erreur de se retirer de nos membres», a déclaré M. Gomery, au cours d'une rencontre avec la presse pour réagir à la décision de l'entreprise de retirer le Journal de Montréal et le Journal de Québec du Conseil de presse.

«L'absence d'un des plus grands médias d'information de nos membres met en question notre crédibilité, notre financement et notre utilité. De notre point de vue, c'est impensable que ce grand joueur dans la scène médiatique du Québec ne soit imputable à personne, ce qui est la conséquence de son retrait de nos membres», a opiné M. Gomery.

Il a cependant été clair. «Nous avons l'intention de continuer d'exister», malgré ces retraits. Toutefois, «à plus long terme, c'est difficile à prévoir».

Plusieurs médias électroniques privés s'étaient déjà retirés du Conseil de presse, en décembre dernier, parmi lesquels TVA, Corus, Astral et Radio Nord Communications.

Entre-temps, le Conseil de presse, qui agit comme tribunal d'honneur, a bien l'intention de continuer à étudier les plaintes qui lui seront soumises, mêmes celles qui concerneraient le Journal de Montréal et le Journal de Québec. Et M. Gomery ne croit pas que Quebecor puisse l'en empêcher en s'adressant aux tribunaux.

Lorsqu'il avait annoncé son retrait, le 30 juin dernier, Quebecor avait évoqué le fait qu'il pourrait poursuivre le Conseil s'il venait à nuire à ses intérêts. Quebecor avait sommé le Conseil de cesser d'examiner les pratiques journalistiques du Journal de Québec et du Journal de Montréal, ajoutant qu'il ne collaborerait plus à l'examen des plaintes les concernant.

Interrogé à ce sujet, M. Gomery, un juge retraité, s'est fait diplomate. «Comme juge, j'ai souvent dit que les portes du Palais de justice sont ouvertes à tout le monde. N'importe qui peut poursuivre n'importe qui. Il y a des actions qui sont mal fondées; il y a des actions qui sont bien fondées. Je ne peux pas prédire qu'il n'y aura pas de poursuite de cette nature. Ce que je peux prédire, c'est que cette poursuite ne sera pas maintenue. Si monsieur Péladeau ou ses corporations essaient de nous empêcher de continuer à faire ce que nous avons fait depuis 36 ans déjà, évidemment nous allons mettre la matière devant le tribunal et je suis confiant que la décision sera que nous avons absolument le droit de continuer à faire ce que nous avons fait depuis 36 ans», a opiné M. Gomery.

Quebecor évoque une «insatisfaction accumulée» face aux décisions du Conseil de presse. «Notre tolérance a atteint sa limite», avait écrit l'un des dirigeants de sa filiale, Corporation Sun Media, dans une lettre.

De façon générale, Quebecor critique les décisions du Conseil de presse qu'il trouve «arbitraires» et «pauvrement étayées». Le géant médiatique reproche également au Conseil d'avoir étendu son mandat au rehaussement des normes de qualité du journalisme au Québec. Quebecor refuse aussi que le Conseil se penche sur les blogues, par exemple, arguant qu'il ne devrait pas avoir compétence en cette matière. Quebecor et le Conseil ont aussi des positions différentes sur le principe de demander à un plaignant de renoncer à l'avance à toute poursuite civile avant l'examen d'une plainte.

M. Gomery dit vouloir échanger avec M. Péladeau concernant ses récriminations et se dit prêt à améliorer le processus s'il y a moyen de le faire.

M. Gomery a aussi soutenu que Quebecor devait de l'argent au Conseil de presse. Les statuts de l'organisme stipulent en effet qu'un préavis d'un an doit être donné avant son départ. Comme ce préavis d'un an n'a pas été donné, selon lui, il invite Quebecor à payer sa cotisation annuelle de 45 000 $.

Le président du Conseil de presse invite Quebecor à réfléchir à qui ou à quoi il préfère être imputable. «Le Conseil de presse est un tribunal d'honneur. Est-ce qu'on va le remplacer par un tribunal créé par une législation? Je pense que ça soulève beaucoup de questions auxquelles il serait désagréable de penser: liberté de la presse, autonomie de la presse. Toutes ces questions seront mises en doute avec une intervention gouvernementale, alors on veut l'éviter.»