Les deux candidats à la reprise du Monde ont été questionnés jeudi une dernière fois sur le contenu de leur offre par la Société des Rédacteurs du Monde (SRM), actionnaire de référence du journal qui doit se prononcer vendredi sur le repreneur du groupe.

Les deux trios en lice, Niel-Pigasse-Bergé et Perdriel-Prisa-Orange disposaient chacun d'une heure quarante cinq pour convaincre.

Interrogée en premier, l'équipe Perdriel était au grand complet. Le président du Nouvel Obs Claude Perdriel était accompagné de son bras droit, Denis Olivennes, de Stéphane Richard et de Pierre Louette (respectivement directeur général et secrétaire général du groupe France Télecom) et de Luis Cebrian, directeur délégué de Prisa.

Le triumvirat Matthieu Pigasse, Pierre Bergé, Xavier Niel a lui aussi été longuement questionné sur son offre intitulé «Projet World». Ces auditions se tenaient au fond du vaste hall du prestigieux immeuble du Monde du 14e arrondissement parisien.

Si les montants financiers sont du même ordre de grandeur (un peu plus de 100 millions d'euros), les projets industriels et rédactionnels sont sensiblement différents. Par exemple, le trio Bergé-Niel-Pigasse envisage un vrai rapprochement des rédactions web (Le Monde Interactif) et papier. Tandis que l'offre rivale propose le maintien du Monde Interactif dans une structure distincte.

Sur le terrain social, Claude Perdriel a souligné dans son offre la nécessité de suppressions de postes (entre 100 et 120) mais uniquement sur la base de départs volontaires. L'autre candidature propose le maintien des effectifs.

Mais les rédacteurs du Monde s'interrogent aussi sur la valeur réelle de l'entreprise. «Mettre la main sur une marque aussi prestigieuse pour 100 millions, c'est pas cher, on ne vaudrait que le prix de nos dettes ?» s'interrogeait avant la réunion un membre de la SRM préférant ne pas être cité.

«Ce sentiment de pas être payé au juste prix pourrait bien entraîner des abstentions lors du vote de vendredi», estimait-il.

La comparaison avec le rachat des Échos, payé au prix fort par LVMH en 2007, est également présente dans les esprits. À l'époque, le quotidien, certes en bonne santé financière, avait été payé environ 340 millions d'euros, soit près de trois fois son chiffre d'affaires. Un tel mode de calcul, a priori impensable, valoriserait le groupe Le Monde (hors endettement) à plus d'un milliard d'euros.

La question des garanties données à la rédaction quant à son indépendance sera également au coeur du choix que feront les actionnaires. Les deux candidats se sont montrés très sourcilleux sur ce point. Claude Perdriel fort de 45 ans dans la presse avait assuré récemment que jamais l'indépendance des journalistes de ses titres (Le Nouvel Obs, Challenges ou autrefois Le Matin de Paris) n'avait pu être mise en cause.

Dans l'offre Niel-Pigasse-Bergé figurent aussi de réelles dispositions de garanties d'indépendance. Pierre Bergé propose, par l'intermédiaire d'une fondation, de soutenir fiancièrement les actionnaires de référence du Monde pour qu'ils conservent une forme de minorité de blocage.

Après le choix déterminant de la Société des Rédacteurs du Monde, attendu vendredi soir, une réunion décisive du Conseil de surveillance est prévue lundi.