Les produits dérivés ne sont pas une nouveauté. Commerçants et industriels ont vite eu besoin de céder à des tiers des risques dans lesquels ils avaient plus à perdre qu'à gagner.

Une grande boulangerie a tout avantage à connaître le prix de ses farines quand elle cherche à assurer sa place dans les grandes chaînes de supermarchés. Pourtant, une bonne partie de la farine qu'elle va utiliser au cours de l'année n'existe pas encore: au printemps, les blés sont en herbe.

Elle va donc acheter un contrat à terme qui lui garantit un prix pour une période donnée. Vrai, elle se prive d'un profit inespéré si la récolte est surabondante. En contrepartie, elle sera assurée de la stabilité de ses coûts d'approvisionnement, advenant par exemple une attaque de sauterelles. Un financier sera prêt à gager sur ce risque dans le but d'empocher la prime, si le prix faiblit.

Il en va de même d'un exportateur ou d'un importateur qui se protège contre les fluctuations des taux de change.

Ces contrats à terme sont en quelque sorte une police d'assurance. Il en existe de plus sophistiqués, les swaps dont la variante de défaillance est au coeur de la crise financière que nous avons traversée et de celle que vit la Grèce.

Swap

En quoi consiste un swap de défaillance (Credit Default Swap ou CDS)? Dans un titre d'emprunt, il existe deux risques: celui de la variation des taux d'intérêt (réelle ou nominale) et le risque de l'incapacité de l'émetteur d'honorer ses engagements auprès du détenteur de sa dette, l'obligataire.

Un swap de défaillance vise à neutraliser ce dernier risque. Moyennant un coût fixé à l'avance (par exemple 2% ou 2000$ par million de prêts sur une base annuelle), le vendeur d'un swap s'engage à acheter à sa valeur nominale le titre détenu par l'acheteur du swap, en cas de défaillance.

Plus le prix du swap est élevé, plus cela indique que l'obligation qu'il faut ainsi protéger est à risque. Pour l'émetteur de dette, cela pose un problème: emprunter de nouveau lui coûtera plus cher. Telle est la tragédie grecque actuelle. Elle est accentuée par le fait que l'encadrement du marché secondaire des CDS est faible, ce qui laisse beaucoup de place aux spéculateurs.

Les CDS peuvent couvrir toutes sortes de produits financiers, même les plus sophistiqués.

Dans la récente crise financière, la titrisation est devenue de plus en plus opaque, au point même de confondre les agences de crédit payées pour en noter la qualité.

Pour stimuler leurs activités de prêts, les institutions financières, américaines et européennes surtout, ont titrisé de plus en plus leurs activités.

Plusieurs familles de produits sont apparues.

La plus importante peut-être est formée des titres adossés sur des actifs (Asset Back Securities). S'ils sont émis à court terme (90 jours et moins), on les appelle papier commercial. Le papier commercial non bancaire (PCAA) émis par les banques est en général très liquide. Il sert aux institutions à financer à faible coût leurs activités de prêts (hypothécaires, commerciaux, cartes de crédit). Les acheteurs y tirent leur profit grâce à un rendement un peu plus élevé que les bons du Trésor.

La crise du PCAA non bancaire au Canada a toutefois compromis ce marché pendant de longs mois. Les actifs offerts en garantie par les émetteurs étaient en partie viciés par des prêts subprimes consentis aux États-Unis et dans certaines provinces de l'Ouest en proie à une fièvre immobilière.

Il existe des titres actifs adossés à des prêts hypothécaires résidentiels (RMBS) ou commerciaux (CMBS).

Dans tous les cas, les prêteurs cèdent leur portefeuille de prêts à une filiale (le conduit) qui se charge de les saucissonner en plusieurs tranches de RMBS ou de CMBS dotées chacune d'un fonds en cas de pertes.

Certaines de ces tranches ont été mêlées à d'autres prêts. Ces instruments de dettes déjà titrisées s'appellent des CDO (Collateralized Debt Obligations). Ce sont les plus toxiques des produits structurés car ils maximisent l'effet de levier.

Pour rehausser la note de crédit d'une tranche de RMBS ou de CDO, le conduit se crée des réserves réelles, en émettant des obligations, ou synthétiques, en achetant des CDS pour couvrir ses propres prêts.

La deuxième solution est généralement moins coûteuse, à condition de trouver une institution peu soucieuse d'évaluer le risque réel. C'est ainsi qu'AIG (American International Group) s'est retrouvé grand vendeur de CDS. Ses grands clients: les banques américaines (Goldman Sachs) et européennes (Société générale, Deutsche Bank).

Le sauvetage d'AIG (et par corollaire de Goldman et des autres) a coûté quelque 170 milliards US à la Réserve fédérale américaine (Fed) qui se retrouve détentrice de tous ses titres défaillants...