Un grand nombre de recherches universitaires en marketing portent sur l'impact des variables telles que la publicité, les efforts de vente, le prix ou la promotion, sur lesquelles les gestionnaires exercent un contrôle. Dans la plupart de ces recherches, on étudie les effets de ces variables de façon isolée. Or, n'importe quel praticien du marketing vous le dira, les actions de marketing mettent habituellement en jeu plusieurs variables et ce sont leurs effets combinés qui intéressent les gestionnaires.

Le cas de la commandite, qui consiste pour une entreprise ou une de ses marques à s'associer à une manifestation (sportive, artistique ou caritative) en contrepartie d'un soutien matériel ou financier, offre une illustration pertinente.

Les recherches dans ce domaine se sont focalisées sur les effets de la commandite sans tenir compte des autres leviers de marketing à la disposition des gestionnaires.

En réalité, la commandite n'est presque jamais employée seule. Ainsi, pendant les Jeux olympiques de Vancouver, les entreprises commanditaires ont utilisé des messages publicitaires de façon à promouvoir leur soutien aux Jeux. C'est ce qu'on appelle l'activation publicitaire.

Par exemple, dans une publicité pour la Monnaie royale, Véronique Cloutier interrompt un athlète du biathlon (à un moment critique!) pour lui dire que c'est bien de rapporter une médaille d'or à la maison, mais qu'on peut aussi rapporter des souvenirs de la Monnaie pour impressionner sa famille.

L'activation publicitaire est un moyen efficace de mettre en valeur un programme de commandite. C'est pourquoi les dépenses en commandite donnent toujours lieu à des dépenses d'activation publicitaire. On estime que pour chaque dollar dépensé en commandite, 1,70$ est dépensé pour l'activation publicitaire.

Étudier les effets de la commandite en vase clos a donc des applications limitées pour les gestionnaires. Ce constat est la raison principale qui nous a poussés à étudier dans notre laboratoire les effets combinés de la commandite et de la publicité, ce que nous appelons l'interface commandite-publicité.

Les recherches sur la commandite ont montré que celle-ci agit de façon positive sur la notoriété des marques commanditaires, sur leur image, sur les attitudes des consommateurs et même sur leurs intentions d'achat. Cela s'explique en partie par le fait que la commandite n'est pas perçue comme une tentative de persuasion, comme c'est généralement le cas avec la publicité.

En effet, les consommateurs ne sont pas passifs lorsqu'ils sont exposés à des messages promotionnels, ils s'interrogent sur les intentions des entreprises. Lorsqu'ils sentent qu'on cherche à les persuader, leurs défenses cognitives sont en alerte et le message risque d'être ignoré ou rejeté.

Par conséquent, les effets positifs de la commandite sont en péril si les consommateurs prêtent des intentions davantage commerciales qu'altruistes aux entreprises commanditaires, c'est-à-dire s'ils pensent que l'entreprise commanditaire est plus préoccupée par ses propres intérêts que par ceux de la manifestation.

Dans nos recherches, nous avons testé l'idée selon laquelle l'activation publicitaire est une technique bénéfique seulement si la manifestation commanditée n'est pas perçue comme étant surexploitée par le commanditaire. Les résultats que nous avons obtenus montrent clairement qu'une utilisation excessive des activités de commandite, en parallèle avec une stratégie d'activation publicitaire, est susceptible de produire des réactions négatives chez les consommateurs.

En effet, lorsque la commandite est trop intense, les consommateurs sont enclins à remettre en question les motivations altruistes du commanditaire et à réagir de façon négative. Par conséquent, les avantages pour le programme de commandite que peut procurer l'activation publicitaire sont contrecarrés.

En revanche, des activités de commandite modérées, couplées à une stratégie d'activation publicitaire, produisent des réponses positives chez les consommateurs. Il semble donc que les bénéfices de l'activation publicitaire ne soient obtenus que lorsque le commanditaire n'est pas associé de façon excessive à la manifestation qu'il commandite.

Les résultats complets de cette étude paraîtront prochainement dans la revue European Journal of Marketing. Cette étude s'inscrit dans un programme de recherche plus large sur l'interface commandite-publicité dans lequel nous sommes engagés. Dans ce programme de recherche, nous sommes notamment en train de tester si certains types d'activation publicitaire sont plus compatibles que d'autres avec un degré d'intensité de commandite élevé.

Ainsi, des publicités qui font la promotion de l'image corporative du commanditaire, c'est-à-dire qui sont centrées sur les valeurs qui constituent son identité, par opposition à des publicités orientées vers la promotion de ses produits, pourraient atténuer les impressions des consommateurs quant aux intentions de persuasion du commanditaire et ainsi donner lieu à des réactions favorables envers celui-ci, même s'il est engagé dans des activités de commandite intense.

François Carrillat est professeur adjoint de marketing à HEC Montréal et Alain d'Astous est professeur titulaire de marketing à HEC Montréal

Pour joindre nos collaborateurs: francois.carrillat@hec.ca et alain.dastous@hec.ca