Ce devait être «un partenariat sans précédent dans les annales économiques nord-américaines». Quarante mois et une crise des médias plus tard, Transcontinental (T.TCL.A) change de stratégie. Plus question de construire une imprimerie pour un seul quotidien, comme elle l'a fait à San Francisco.

«Je ne crois pas que le genre d'entente qu'on a signée avec le (San Francisco) Chronicle - c'est-à-dire un client, une usine et Transcontinental qui paie tous les investissements - est un modèle qui va fonctionner dans l'avenir», a confié hier en marge de l'assemblée annuelle de l'entreprise François Olivier, président et chef de la direction depuis maintenant deux ans.

Cette entente prévoit que Transcontinental retirera des revenus d'environ 1 milliard de dollars au cours des 15 prochaines années. Pour ce faire, le plus grand imprimeur canadien a dû faire des investissements de 230 millions US.

«Notre usine est rentable depuis le premier jour», a souligné M. Olivier devant les actionnaires de l'entreprise.

Actuellement, seul le quotidien de la côte ouest américaine y est imprimé. L'imprimerie est utilisée à moins de 50% de sa capacité. Maintenant que la période de rodage achève, Transcontinental promet de nouveaux clients, qui pourront occuper les presses pendant le jour.

«Si on fait d'autres ententes du genre, on pense qu'on le fera avec au moins deux partenaires, peut-être trois», dit M. Olivier. Il aimerait aussi partager les coûts de construction, soit avec les journaux, soit avec les fabricants des presses.

Environ 70% des revenus de Transcontinental proviennent de ce secteur de l'impression, comparativement à 20% pour l'édition de divers magazines et hebdomadaires et 10% du marketing. Devant les actionnaires, M. Olivier a dit prévoir «une faible croissance du marché de l'impression».

En entrevue, on lui a demandé de chiffrer ces prévisions. La réponse: entre 0% et 2% d'ici cinq ans par rapport à 1% à 3% pour les dernières années.

Si Transcontinental veut continuer à croître dans ce secteur, elle devra donc continuer à enlever des parts de marché à ses concurrents imprimeurs.

Publipostage

Par le passé, une autre avenue de croissance maintes fois mentionnée était le publipostage aux États-Unis. Mais les revenus de ce champ d'activité sont passés de 252 millions à 150 millions en trois ans.

Transcontinental a annoncé plus tôt ce mois-ci la vente de cette filiale à IWCO Direct, après avoir songé à «toutes sortes de choses» avec IWCO. «Être le consolidateur dans cette industrie-là aux États-Unis aurait coûté plusieurs centaines de millions de dollars à Transcontinental, a expliqué M. Olivier. Pour nous, on pense qu'on peut redéployer nos actifs, notre capital, dans des créneaux qui sont peut-être un peu plus stratégiques pour nous et un peu plus porteurs.»

M. Olivier assure avoir obtenu le «juste prix».

Au cours des prochains mois, ce capital servira à faire des acquisitions, notamment dans le secteur du marketing, qui représente actuellement un secteur en forte croissance, mais encore petit. «C'est très stratégique pour nous d'être là, dit-il. Quand les budgets de marketing vont bouger des médias traditionnels que sont l'imprimé, la radio et la télé, Transcontinental sera là pour les capturer. Pas tous, mais une partie avec de nouveaux produits.»

En plus, dit-il, cette présence lui permet de bien comprendre le marché publicitaire, de constater «l'ampleur, la magnitude et la vitesse du changement».

Cela prendra notamment la forme, le mois prochain, d'un nouveau site internet, publisac.ca, et son pendant anglophone, dealstreet.ca

Dans son message aux actionnaires, le président du conseil d'administration, Rémi Marcoux, a souligné que l'entreprise a réussi à «faire mieux que la vaste majorité de nos concurrents». Cela ne s'est pas fait facilement. L'entreprise a licencié 2000 personnes l'an dernier, de loin ses plus importantes compressions. Il reste maintenant 12 500 employés chez Transcontinental, dont environ 10% qui seront transférés chez IWCO quand la transaction sera scellée.

Les dirigeants de Transcontinental se sont aussi dit intéressés par des éléments d'actifs de Canwest, mais pas tous. Les quotidiens n'en font pas partie. Comme la proposition de vente place tous les actifs dans un même bloc, M. Olivier préfère rester sur la ligne de touche.

Hier, le titre de Transcontinental a pris 10 cents, à 12,67$, à la Bourse de Toronto.