On saura enfin demain si l'économie américaine est parvenue à créer des emplois en fin d'année, pour la première fois en deux ans. Si tel n'est pas le cas, le retour des embauches sera pour la nouvelle année.

Les données de l'enquête mensuelle ADP publiées hier font état de nouvelles pertes de 84 000 jobs en décembre dans le secteur privé. Le secteur des biens serait à l'origine de la totalité des coupes puisque celui des services se serait remis à réembaucher timidement.

Cette précision n'est cependant pas concordante avec les variations des indices ISM manufacturier et non manufacturier qui se sont tous deux installés au-dessus de 50 le mois dernier. Ce niveau marque la différence entre la contraction et l'expansion.

Même à 50,1 seulement, l'ISM non manufacturier a plu aux économistes des milieux financiers.

«L'amélioration graduelle des indices ISM est encourageante et les nivaux enregistrés à la fin de 2009 laissent croire que l'année 2010 sera marquée par une expansion de la plupart des secteurs d'activités, note Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. L'embellie dans les secteurs des services demeure néanmoins plus incertaine, du moins pour l'instant.»

Reste à voir si les commerçants ont embauché davantage que prévu en fin d'année puisque les consommateurs se sont montrés plus dépensiers qu'en 2008.

«ADP sous-estime les variations du nombre de salariés en moyenne de 103 000 depuis les sept derniers mois», souligne Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

En novembre, ADP avait télégraphié la suppression de 169 000 jobs dans le secteur privé. L'enquête du Bureau of Labour Statistics (BLS) révélait deux jours après que la saignée avait été plutôt contenue à 18 000.

ADP ne mesure pas en outre les variations de l'emploi dans le secteur public. Or, 2010 est année de recensement aux États-Unis. Cette vaste enquête exige l'embauche de centaines de milliers de travailleurs temporaires qui seront actifs autour du 1er avril.

Le BLS vient de publier une étude qui fait ressortir comment le recensement amplifie la volatilité des données sur le marché du travail. Au cours des exercices de 1990 et 2000, l'amplitude a franchi les 250 000 et 500 000 emplois respectivement.

«L'effet du recensement de 2010 pourrait être une variation de 1,1 million d'emplois, de mars à mai», préviennent Derek Holt et Karen Cordes, de Scotia Capitaux, dans une étude intitulée Deux millions d'emplois en 2010 aux États-Unis.

Cela pourrait entraîner deux marques statistiques: la plus forte création et la plus forte destruction mensuelles.

Une première vague d'embauches, moins importante il est vrai, aurait commencé dès décembre, soulignent-ils cependant à la lumière des variations mesurées par le BLS pour 1990 et 2000.

«Les données d'ADP renforcent notre prévision de 50 000 nouveaux emplois en décembre. Dans le pire des cas, le niveau resterait stable.»

Cette prévision est au-dessus du consensus qui parie plutôt sur la création de 25 000 jobs. Fait à signaler, chez BMO Marchés des capitaux, on croit que le mois sera encore médiocre avec 70 000 postes en moins.

Véritable saignée

L'enquête du BLS avait montré que 11 000 emplois seulement avaient été perdus en novembre. Cela portait néanmoins la saignée de cette très dure récession aux États-Unis à 7,2 millions depuis décembre 2007. (Durant la récession de 1981, l'économie américaine avait détruit 2,1 millions d'emplois; durant celle de 1991, 857 000.)

La sévérité des coupes par les entreprises convainc les deux économistes que 2010 se conclura par deux millions d'emplois en plus, en dépit du recensement. Un simple retour du balancier viendra s'ajouter aux effets encore très présents en 2010 des stimuli de Washington.

Ce point de vue est d'ailleurs partagé par les économistes de la Financière Banque Nationale, qui tablent sur 2,8 millions de nouveaux emplois. Dans la présentation des Boules de cristal 2010 de La Presse Affaires en décembre, le professeur titulaire de HEC Montréal Maurice Marchon y allait lui aussi d'une prévision presque aussi optimiste.

La majorité fait encore preuve cependant de plus de prudence.