Une décision du ministre canadien de l'Industrie, Tony Clement, sonne le début d'un temps nouveau dans l'industrie de la téléphonie sans fil. Partout au Canada, Bell, Rogers et Telus feront face à un nouveau concurrent, au cours des prochains mois.

Hier, Tony Clement a annoncé qu'il permet que Globalive Wireless Management, de Toronto, offre des services de téléphonie sans fil. Ce verdict est très exceptionnel, puisqu'il vient casser une décision récente du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Au début novembre, le CRTC avait bloqué le lancement des services de Globalive, jugeant que l'entreprise ne respectait pas les normes de propriété canadienne. Or hier, le ministre Tony Clement est venu dire que Globalive n'est pas contrôlé par des non-Canadiens, autorisant ainsi l'entreprise à lancer prochainement son service.

«Globalive est une entreprise canadienne qui satisfait aux exigences de la Loi sur les télécommunications», a déclaré Tony Clement. Le ministre se défend d'assouplir ainsi les exigences en matière de propriété canadienne, affirmant que ce changement est propre à ce dossier.

Du même coup, il justifie toutefois sa décision par le fait qu'Ottawa a pour objectif «d'augmenter la concurrence dans l'industrie des télécommunications, ce qui mène à une réduction des prix, à un meilleur service et à un plus grand choix.»

Le Canada, rappelons-le, est l'un des pays où les tarifs pour le sans fil sont les plus élevés. L'arrivée d'un nouveau concurrent majeur fera pression sur les prix.

Pour être considérée canadienne, la Loi exige que Globalive soit détenu à 80% par une entreprise canadienne. Cette même entité canadienne doit elle aussi être contrôlée par des Canadiens à hauteur de 66,6%. Dans sa décision, le CRTC avait jugé qu'en dépit des moyens pris pour contourner la Loi, Globalive demeurait détenu par des non canadiens.

Essentiellement, la société Orascom Telecom Holding, d'Égypte, détient 65% des actions de Globalive et est porteur de presque toute la dette. Le décret de Tony Clement ne donne pas d'explications précises sur la définition de propriété canadienne appliquée à ce cas particulier. Tout au plus, y comprend-on qu'Orascom n'a pas le «contrôle de fait» de Globalive en vertu des modifications apportées à la structure du droit de vote.

Alliance avec Vidéotron?

La nouvelle a été accueillie avec enthousiasme par la direction de Globalive, qui parle «d'un grand jour pour les Canadiens et l'industrie du sans fil». Les commentaires de la direction durant la conférence de presse étaient ponctués d'applaudissements nourris des employés.

Globalive offrira prochainement ses services à Toronto, Ottawa, Edmonton, Calgary et Vancouver sous la marque Wind Mobile. Au Québec, le pendant de Globalive est Vidéotron, qui lancera ses services en juin prochain.

Certains observateurs dans l'industrie, tel Jean-Guy Rens, de Sciencetech, s'attendent à ce que Vidéotron fasse alliance avec Globalive pour mieux affronter les Bell, Telus et Rogers sur le réseau canadien. Hier, Vidéotron n'a pas voulu faire de commentaires à ce sujet.

La décision a été accueillie amèrement par les acteurs en place dans le sans fil. «C'est décevant, car nous croyons qu'il est clair que Globalive ne rencontre pas les exigences en matière de contrôle canadien. Nous examinerons de près les arguments qui soutiennent cette décision », a dit la porte-parole de Bell Canada, Claire Fiset.

En Bourse, les investisseurs ont d'ailleurs délesté les titres de télécommunications. Rogers Communication a ainsi perdu 7%, à 31,05$, Bell, 3,8%, à 27,35$ et Telus 2,3%, à 32,90$.

«C'est une mauvaise nouvelle pour les fournisseurs de services sans fil au Canada. Ce n'était pas attendu par les marchés», a dit Greg McDonald, analyste de la Financière Banque Nationale.

La partie n'est pas terminée, cependant. L'analyste Iain Grant, du Groupe Seaboard, s'attend à ce que Bell, Rogers et Telus demandent rapidement aux tribunaux de bloquer la décision du ministre par l'entremise d'une injonction. «Le cabinet peut changer une décision du CRTC, mais il ne peut outrepasser la loi», dit M. Grant.