Malgré les avantages indéniables que procure la présence de personnes et groupes aux origines culturelles diversifiées au sein d'une organisation (accroissement de la créativité, meilleure résolution de problèmes, ouverture de nouveaux marchés, contacts améliorés avec une clientèle elle-même de plus en plus diversifiée, etc.), des craintes demeurent chez certains gestionnaires et autres employés quant aux possibles conflits et incompréhensions qui peuvent surgir dans un environnement organisationnel multiculturel. Essayons d'atténuer quelque peu ces craintes.

Il est d'une évidence même que les organisations tendent de plus en plus à se diversifier sur le plan culturel. Cette diversité, loin d'être passagère, s'avère plutôt une tendance lourde qui amène les organisations et le personnel en place à modifier leurs pratiques de gestion en fonction de cette nouvelle réalité.

Les modèles de gestion de cette réalité contemporaine se succèdent donc à un rythme accéléré. En ce sens, on doit se réjouir qu'une telle thématique occupe autant de place dans les écoles de gestion, dans les firmes conseils ainsi que dans les organisations elles-mêmes. Nul doute que cette expansion soit profitable à court, moyen et long terme, et ce, tant pour les organisations que pour les personnes de toutes origines qui y travaillent.

Cela dit, toute cette effervescence doit aussi inciter les organisations à modifier certaines pratiques de gestion. Ces changements peuvent se résumer en trois points précis.

Dans un premier temps, tout bon gestionnaire doit se méfier de ce que nous appellerons les «recettes miracles». Il appert en effet que la voie facile pour modifier les pratiques de gestion en fonction de cette nouvelle réalité soit celle du placage de modèles qui auraient fait leur preuve dans d'autres organisations.

Est-ce nécessaire de rappeler que chaque environnement organisationnel est en soi particulier et ne peut, dès lors, être généralisable? Dans ce contexte, le gestionnaire est appelé à user de perspicacité et d'ouverture pour adapter certaines pratiques tout en innovant avec de nouvelles.

Dans un deuxième temps, avant d'induire des conduites et des attitudes positives à l'égard de la diversité culturelle, il faut s'assurer que celle-ci soit clairement exprimée par l'entremise de demandes spécifiques (les accommodements raisonnables par exemple), ou par des pratiques elles-mêmes instaurées par des appartenances culturelles particulières.

À ce titre, les gestionnaires devraient s'assurer que la diversité de facto, celle qui se remarque au premier coup d'oeil, soit aussi porteuse de pratiques spécifiques, ce qui n'est pas toujours le cas. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'une organisation est culturellement diversifiée que l'on doive à tout prix intervenir.

Troisièmement, la diversification culturelle doit appeler la mobilisation de tous les acteurs organisationnels, dirigeants comme dirigés, pour faciliter le passage d'une organisation diversifiée à une organisation interculturelle. S'il est important de mandater certaines personnes pour favoriser l'ouverture à l'interculturel, le service des ressources humaines, par exemple, il est encore plus déterminant que tous les acteurs soient mobilisés afin de favoriser la nouvelle dynamique interne recherchée.

En somme, les avantages d'avoir du personnel aux origines diversifiées ne sont plus à démontrer. Nous savons tous qu'il s'agit non seulement d'une question d'ouverture mais aussi de vivacité des organisations qui composent la société dans laquelle nous vivons. Oublier cela serait une erreur aux répercussions importantes pour l'avenir. À la suite d'auteurs à succès comme Richard Florida pour qui les villes de l'avenir sont celles qui sauront réunir des travailleurs du savoir et de la créativité, pourquoi ne pas voir en la diversité culturelle cette richesse qui saura donner à nos villes, à Montréal certes, mais à d'autres également, cet élan pour doter nos entreprises et autres organisations de visions et de savoir-faire multiples et variés?

Plusieurs défis restent à relever, et ce, tant sur le plan des organisations que sur celui de la société. Parmi ces défis, mentionnons une meilleure représentativité des membres des minorités dans les postes de direction, une plus grande diversification des conseils d'administration de grandes entreprises et d'institutions publiques québécoises, moins de barrières à l'emploi pour certaines communautés dont les taux de chômage sont plus élevés que la moyenne et une meilleure répartition de l'immigration sur le territoire québécois. S'il est vrai que la crise des accommodements raisonnables, qui semble vouloir faire un retour sur la scène publique québécoise ces jours-ci, peut créer des appréhensions, il ne faut pas oublier que les bénéfices sont généralement plus grands que les coûts, pour ne parler qu'en termes économiques, pour les organisations qui décident d'entrevoir la diversité culturelle sous ses nombreux aspects positifs.

L'auteur est professeur adjoint, Management, à HEC Montréal. Pour le joindre: sebastien.arcand@hec.ca