Si elle est bien menée, la nouvelle «Stratégie biopharmaceutique québécoise» annoncée hier pourrait permettre à la région de Montréal de reprendre du galon dans le palmarès de ce secteur sur le continent.

C'est le souhait exprimé par des intervenants de ce secteur de pointe dans la région métropolitaine, qui est gravement affectée par les contrecoups de la crise financière de l'an dernier.

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«Dans les biotechs en particulier, la région de Montréal a perdu plus de terrain ces dernières années que ce que plusieurs gens pensent. La région ne figure certainement plus parmi le top 5 nord-américain, où elle était il y a deux ou trois ans», déplore Yves Rosconi, président du regroupement BioQuébec et PDG de la firme Theratechnologies, leader courant en biotech au Québec.

N'empêche. Après avoir examiné la stratégie énoncée hier par le nouveau ministre du Développement économique, Clément Gignac, président de BioQuébec, se dit satisfait d'y voir des éléments susceptibles de provoquer un regain d'énergie dans ce secteur.

«C'est sûr qu'il faudra en attendre la réalisation concrète. Néanmoins, en plus des mesures de soutien à moyen terme, je suis content d'y retrouver des mesures fiscales à court terme qui devraient aider les PME en biotech à survivre à la grave pénurie de capital qui affecte tout le secteur», indique M. Rosconi.

Entre autres, il souligne l'accès accéléré aux crédits d'impôt en recherche et développement (R&D) déjà en place afin de soulager la crise de liquidités qui menace plusieurs entreprises.

Selon les plus récentes données de Réseau Capital, les investissements en capital-risque dans les entreprises de biotechnologies au Québec depuis le début de 2009 ont chuté du tiers au moins par rapport à la même période en 2008.

Et cette baisse s'ajoute à la chute drastique de moitié déjà enregistrée en 2008 par rapport à l'année précédente, qui marqua un record avec 260 millions de dollars au Québec seulement.

«Les grandes sociétés pharmaceutiques implantées dans la région de Montréal souffrent moins de la crise financière et du krach boursier de l'an dernier. Les PME de pointe en biotech, elles, les subissent de plein fouet», poursuit Yves Rosconi.

«Au Québec seulement, au moins 25 des quelque 85 entreprises répertoriées ont cessé leurs activités depuis le début de l'année par manque de fonds, ajoute-t-il. Et la moitié de celles qui restent disent avoir des liquidités pour durer six mois encore.»

Bref, si un tel scénario devait s'avérer, craint-il, le secteur du biotech au Québec, concentré dans le Grand Montréal, pourrait s'être atrophié de moitié d'ici peu par rapport à sa taille d'il y a deux ans.

Bouffée d'oxygène

Au moins 300 d'emplois directs de haut niveau et à rémunération supérieure auraient déjà été perdus depuis un an parmi les PME de biotech de premier niveau. S'ajoutent des centaines d'autres emplois perdus chez leurs sous-traitants en services spécialisés.

Dans ce contexte, la stratégie québécoise d'aide au secteur biopharmaceutique pourrait s'avérer une «bouffée d'oxygène», espèrent plusieurs.

«Au moins, on perçoit de la part de Québec une volonté de renverser le certain laisser-aller envers cette industrie de pointe qui prévalait depuis quelques années. Pendant ce temps, d'autres régions, comme l'Ontario et Toronto en particulier, prenaient les bouchées doubles pour grossir et renforcer leur secteur biopharmaceutique», relate Jean-François Parizeau, directeur des sciences de la vie à la filiale de capital de risque de la Banque de développement du Canada (BDC).

Cela dit, M. Parizeau estime encore réversible le déclin relatif du milieu du biotech montréalais face à d'autres régions métropolitaines.

«Il n'y a aucune gêne à propos des capacités technologiques dans le biotech dans le Grand Montréal, ni de ce qui s'y développe. Un défi majeur, toutefois, est d'y attirer davantage de capitaux, de l'étranger surtout, parce que les fonds disponibles au Québec et au Canada demeurent limités.»

Selon son énoncé d'hier, le gouvernement Charest promet d'injecter 122,8 millions d'ici trois ans pour diverses mesures d'aide à l'industrie biopharmaceutique.

Entre autres, on évoque notamment un appui au Consortium québécois sur la découverte du médicament et au Fonds de la recherche en santé du Québec, un soutien financier à l'amorçage d'entreprises «qui sont issues de la recherche institutionnelle et qui offrent un fort potentiel de commercialisation», ainsi qu'une meilleure collaboration entre les universités, les PME et les grandes sociétés biopharmaceutiques.

De plus, Québec s'engage à financer sur une base trimestrielle, plutôt qu'annuelle, les crédits d'impôt en R&D de façon à faciliter la gestion des liquidités par les PME en biotech.

Enfin, Québec promet d'intervenir auprès d'Ottawa afin d'obtenir des améliorations quant à la durée des brevets biopharmaceutiques, l'amélioration du processus d'approbation des médicaments et la croissance des investissements fédéraux en recherche dans la province.

 

LA STRATÉGIE QUÉBÉCOISE EN CHIFFRES

39 millions pour accentuer la R&D

30,95 millions pour soutenir le développement des entreprises en biotechnologies

50 millions pour appuyer l'essor des grandes sociétés biopharmaceutiques

2,5 millions pour promouvoir l'industrie biopharmaceutique québécoise dans le monde

320 000$ pour assurer la disponibilité de travailleurs qualifiés

TOTAL

122,8 millions sur trois ans