Gary Bettman a passé l'été en cour. Début septembre, le commissaire de la LNH a même témoigné au tribunal des faillites à Phoenix. Ses vacances écourtées n'ont toutefois pas ébranlé sa conviction que la LNH est viable sous les palmiers.

«Je suis content que l'été soit terminé et que la saison commence. Je n'ai pas eu des vacances estivales typiques cette année, mais c'était correct parce ce qui se passe à Phoenix est important pour la ligue», dit Gary Bettman en entretien à La Presse Affaires depuis son bureau à Manhattan.

Gary Bettman veut que les Coyotes, mis en faillite au milieu des séries éliminatoires en mai dernier par le propriétaire Jerry Moyes, qui perdait au moins 20 millions US par saison, restent en Arizona. Au point où la Ligue a fait une offre de dernière minute de 140 millions US à la cour afin d'acheter l'équipe, aussi convoitée par Jim Balsillie. Le cofondateur de Research In Motion a offert 212,5 millions US, à condition de pouvoir déménager l'équipe à Hamilton.

Hier, le juge responsable de la faillite a rejeté les deux offres, exprimant toutefois une légère préférence pour celle de la LNH.

Peu importe l'issue du litige à Phoenix, Gary Bettman, l'homme qui a amené la LNH dans le sud des États-Unis, n'en démord pas: le hockey a sa place sous les palmiers. «Il y a toujours des cycles économiques (dans notre industrie), dit le commissaire. Il y a huit ans, je me rappelle qu'on me posait souvent cette question à propos des équipes canadiennes. À cette époque, toutes les équipes canadiennes sauf Toronto perdaient de l'argent. Maintenant, c'est au tour de certaines équipes américaines de devoir mieux performer.»

L'expansion agressive de la LNH à l'ombre des palmiers a produit des résultats mitigés. Certes, la stratégie a connu sa part de succès - les Stars de Dallas sont l'une des équipes les plus rentables de la ligue. Mais selon Forbes, les trois équipes les plus déficitaires du circuit Bettman (la Caroline, Phoenix et la Floride) sont situées dans le sud des États-Unis. «La Coupe Stanley a été gagnée en Caroline, à Anaheim et à Dallas, dit Gary Bettman. Et ça peut changer vite. Il n'y a pas si longtemps, on disait qu'il n'y aurait plus d'équipes canadiennes.»

Le président des Oilers d'Edmonton, Patrick LaForge, appuie la stratégie des palmiers du commissaire. «J'aime la situation de la plupart de nos équipes aux États-Unis, dit-il. Les équipes qui sont bien dirigées réussissent. Regardez Anaheim et Dallas. Quelques équipes éprouvent des difficultés, mais c'est le cas chaque année. Il n'y a pas si longtemps, les Penguins de Pittsburgh étaient en difficultés, et regardez où ils sont rendus aujourd'hui! Je me rappelle aussi qu'il y a six ans, c'étaient les équipes à Edmonton, Calgary et Ottawa qui étaient en difficulté.»

L'économiste Philip Merrigan espère seulement que la persévérance de la LNH dans le sud des États-Unis ne se retournera pas contre elle. «Les Coyotes vont faire des pertes financières énormes cette année, dit le professeur de l'UQAM. Les gens de Phoenix savent que l'équipe va probablement déménager. Même le juge qui préside la faillite de l'équipe en parle! Ça ressemble un peu à la fin des Expos à Montréal...»

Objectif: des revenus stables cette saison

L'an dernier, la LNH s'est relativement bien tirée d'affaire malgré la récession nord-américaine. Sans tenir compte du taux de change, les revenus des équipes de la LNH ont augmenté de 5% par rapport à la saison précédente. En tenant compte de la baisse du dollar canadien par rapport au billet vert américain, les revenus de la LNH ont fluctué entre 0% et 1%. Au moins une demi-douzaine d'équipes aurait perdu de l'argent, un chiffre non confirmé par la LNH.

Si la récession américaine est terminée - du moins selon les dires du président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke -, le plus difficile reste à venir pour la LNH. L'an dernier, les abonnements et les commandites étaient déjà achetés quand la crise financière a éclaté en septembre. La LNH vivra ainsi cette crise-récession un an en retard.

«D'après nos données préliminaires, nous allons être capables de maintenir nos revenus cette saison. Notre environnement économique est plus difficile, mais nos équipes travaillent plus fort et sont plus créatives», dit Gary Bettman, qui a tout de même fait augmenter la marge de crédit de la ligue afin de se protéger contre les imprévus.

Une saison enlevante

La saison de Gary Bettman, qui visite tous les amphithéâtres de la LNH au moins une fois durant la saison, commence ce soir à Denver, où l'Avalanche retirera le chandail de Joe Sakic. Demain, le commissaire sera à Pittsburgh afin de hisser la banderole des champions de la Coupe Stanley. Il se rendra ensuite samedi à Long Island pour assister aux débuts du premier choix au dernier encan amateur, John Tavares. Et probablement aussi pour promouvoir le projet d'aréna des Islanders de New York. «C'est très bien pour les partisans des Islanders de pouvoir compter sur un jeune joueur excitant, mais c'est aussi important d'avoir un nouvel aréna», dit-il.

Sur la glace, Gary Bettman s'attend à une saison aussi enlevante que l'an dernier, alors que les Penguins de Pittsburgh ont eu besoin de sept matchs en finale contre les Red Wings de Detroit afin de remporter la Coupe Stanley.

La saison de la LNH ne sera pas seulement enlevante sur la glace. Hier, le juge Redfield T. Baum, de la cour fédérale des faillites, a rejeté les offres de Jim Balsillie et de la LNH pour les Coyotes de Phoenix, renvoyant les parties à la case départ. Malgré le rejet de son offre par la cour, Jim Balsillie ne s'était pas retiré de la course pour acheter les Coyotes, hier, au moment de mettre sous presse.

Jim Balsillie et la LNH ont déjà annoncé qu'ils porteront la décision finale du juge Baum en appel si elle leur était défavorable. Autant dire que le feuilleton juridique se poursuivra durant une partie de la saison. «Je suis confiant que la cour va accepter notre proposition, dit Gary Bettman. Le marché de Phoenix est testé durement présentement, mais nous croyons toujours qu'une équipe de la LNH peut s'y produire avec les bons propriétaires.»

 

5 ÉQUIPES EN DIFFICULTÉ

Coyotes de Phoenix

Les Coyotes sont en faillite depuis mai dernier. Son propriétaire Jerry Moses, qui veut vendre à Jim Balsillie, dit avoir perdu au moins 20 millions US par année depuis 2001. La LNH a été forcée de déposer une offre à la dernière minute devant la cour de faillite afin d'éviter le déménagement de l'équipe à Hamilton.

Trashers d'Atlanta

L'an dernier, le propriétaire des Trashers a confié avoir perdu entre 10 et 20 millions US avec son équipe de hockey et son équipe de basket (les Hawks de la NBA). «Ce fut l'une de nos meilleures années depuis 2003», a ajouté le président Michael Gearon Jr. L'équipe poursuit aussi l'un de ses actionnaires en cour.

Lightning de Tampa Bay

Déficitaire, le Lightning a eu besoin de l'aide de la LNH la saison dernière afin d'acquitter ses obligations envers certains de ses joueurs, dont sa vedette Vincent Lecavalier. Les propriétaires Len Barrie et Oren Koules ne s'entendent plus, si bien qu'ils tentent mutuellement de racheter leurs parts.

Islanders de New York

Selon Forbes, l'équipe a perdu 8,8 millions US durant la saison 2007-2008 et vaut 154 millions US, soit 34 millions US de moins que le prix payé par le propriétaire Charles Wang en 2000. Ce dernier veut un nouvel aréna et a donné à la Ville de Long Island jusqu'à samedi pour approuver son projet - sans quoi il explorera «d'autres options».

Predators de Nashville

Il n'y a pas si longtemps, les Predators étaient l'équipe de la LNH la plus susceptible de déménager. Jim Balsillie a tenté de l'acheter pour la déménager à Hamilton. La léthargie financière des Predators semble terminée: sous la direction d'un groupe de sept propriétaires locaux, l'équipe aurait généré un léger profit la saison dernière.

5 NOUVEAUX MARCHÉS

Sud de l'Ontario

À court terme, c'est le marché qui a le plus de chances d'accueillir une équipe de la LNH. Contre le gré de la Ligue, mais ce seront les tribunaux américains qui trancheront si Jim Balsillie peut déménager les Coyotes à Hamilton en 2010-2011. Autre possibilité: une expansion à Toronto, où la nouvelle équipe pourrait partager le Air Canada Center si elle parvient à s'entendre avec les Maple Leafs, l'équipe la plus riche et la plus puissante de la Ligue.

Winnipeg

La capitale du Manitoba dispose d'un aréna neuf construit en 2004 au coût de 140 millions. Deux problèmes: l'aréna n'a que 15 000 sièges et la location de loges pose un problème.

Kansas City

La ville de Kansas City a accueilli un match de la LNH la semaine dernière, mais seulement 9792 spectateurs se sont déplacés à l'aréna presque neuf qui contient 18 000 places. La ville de Kansas City a été mentionnée comme une destination possible dans le dossier du déménagement des Penguins de Pittsburgh il y a quelques années, puis dans celui de la faillite des Coyotes de Phoenix l'été dernier.

Las Vegas

En 2007, le producteur de films Jerry Bruckheimer (CSI, Bad Boys, Pirates of the Caribbean) aurait été à la tête d'un consortium pour implanter une équipe de la LNH à Las Vegas. Depuis, l'économie du Nevada a été frappée durement par la récession. Afin d'éviter d'être lié à l'industrie des paris, aucun circuit majeur de sport professionnel n'a pris le risque d'implanter une équipe dans la capitale du jeu.

Québec

Depuis 2008, le comptable Mario Bédard étudie la possibilité de construire un nouvel amphithéâtre multifonction de 18 000 places au coût de 300 millions à Québec. En campagne électorale, le premier ministre Jean Charest a promis de financer la construction du nouvel aréna à hauteur de 50 millions. Quebecor étudie la possibilité de devenir propriétaire d'une équipe de la LNH à Québec.