À un mois du G20, la France a trouvé un allié inattendu dans la bataille contre les bonus excessifs des banquiers, dans le chef de l'Autorité britannique des services financiers (FSA), Adair Turner, qui s'est déclaré personnellement favorable à une taxe sur les transactions.

Dans une table ronde avec des économistes publiée jeudi par le magazine Prospect, sous le titre «Comment dompter la finance mondiale?», M. Turner constate qu'il va falloir désormais «une reconstruction massive du système de régulation financier mondial, et pas un petit ajustement».

Il évoque dans la foulée une City qui a grandi «au-delà du raisonnable», et dont une partie de l'activité est «socialement inutile». «Si vous voulez faire cesser les rémunérations excessives dans un secteur financier hypertrophié, (vous pouvez augmenter l'exigence de capital) et si ça ne suffit pas, j'envisagerais bien volontiers des taxes sur les transactions financières, des taxes Tobin», indique-t-il.

Imaginée par l'économiste américain James Tobin au début des années 70, une taxe sur les transactions financières destinée à décourager la spéculation et à soutenir les pays pauvres n'a jamais vu le jour, devant l'opposition des milieux financiers mondiaux. L'ancien président français Jacques Chirac est à l'origine d'une des seules concrétisations partielles de cette idée, la taxe sur les billets d'avion finançant l'achat de médicaments pour les pays pauvres.

La suggestion soudaine de M. Turner a été diversement commentée au Royaume-Uni jeudi. Première concernée, l'Association des banquiers britanniques (BBA) a noté que «plus de la moitié des 336 banques opérant au Royaume-Uni venaient d'autres pays». «C'est une réussite à ne pas prendre à la légère», notait l'association, appelant à ne pas faire fuir cette manne «avec une mauvaise régulation ou de mauvaises taxes».

Si le Guardian, journal de gauche, criait «Hourrah», Howard Wheeldon, économiste au cabinet BGC Partners, suggérait à M. Turner de «partir s'il n'aimait pas son travail», assurant que la prise au sérieux de «son idée stupide» marquerait «la fin du Royaume-Uni». Il accolait même l'adjectif «rouge» à M. Turner, rappelant que celui-ci avait été nommé en 2008 par le premier ministre travailliste Gordon Brown.

D'autres commentateurs estimaient que M. Turner avait peut-être voulu marquer un point, alors que les conservateurs, vus comme les probables vainqueurs des élections de l'an prochain, veulent considérablement réduire le pouvoir de la FSA au profit de la Banque d'Angleterre.

Ou encore qu'il aurait voulu faire taire ceux qui jugeaient que la FSA n'avait pas été assez ferme avec les banquiers en édictant des règles d'encadrement des bonus vues comme peu contraignantes, en début de mois.

Une taxe Tobin dans la City ne semble en tout état de cause pas imminente. Ainsi, la FSA elle-même a immédiatement noté que les propos de son président étaient «extraits d'une table ronde et n'étaient pas l'expression d'une nouvelle politique» de l'Autorité.

Quant au ministère des Finances, il a réagi très froidement : «Les taxes sont l'affaire du Chancelier (le ministre des Finances Alistair Darling, ndlr). Les ministres des Finances du G20 discuteront des bonus qui ont mis en danger le système bancaire la semaine prochaine à Londres». M. Darling a cependant déjà indiqué qu'il était prêt à légiférer pour aller un peu plus loin que les régulateurs.

Les ministres des Finances du G20 se réunissent les 4 et 5 septembre à Londres, avant le G20 des chefs d'Etats les 24 et 25 septembre à Pittsburgh.