Le dollar canadien est repassé facilement au-dessus des 92 cents américains hier. Il a terminé dans une envolée hebdomadaire très agitée par un gain de plus d'un cent.

Le huard a arraché 46 centièmes d'équivalence hier à hauteur de 92,43 cents US.

Lundi, il était descendu à 90,31 cents US, son niveau le plus faible en quatre semaines, dans la foulée de la correction des marchés boursiers et des prix des produits de base déclenchée en Asie. Il a repris tout le terrain perdu et bien plus au cours des quatre séances suivantes: 90,76 cents US, 91,27, 91,97 et 92.

 

La correction, qui a pris fin mardi, avait été amorcée après une poussée jusqu'à 94,30 cents US au début du mois. Elle avait amené le ministre des Finances Jim Flaherty à manifester publiquement son inquiétude et stimulé les spéculations de quelques économistes sur la possibilité que la Banque du Canada intervienne sur les marchés des changes pour freiner l'ascension de notre monnaie. Contrairement à la Banque nationale de Suisse qui a freiné son franc, nos autorités monétaires n'ont pas bronché.

Notre monnaie évolue parallèlement aux prix des produits de base de manière générale, et du pétrole en particulier, lesquels dopent les marchés boursiers par les temps qui courent. Or, l'or noir a dépassé la barre des 73$US le baril, un sommet en 10 mois, qui reste néanmoins à mi-chemin grosso modo de son sommet de juillet 2008.

Dans la lettre hebdomadaire envoyée à sa clientèle tous les vendredis, l'équipe londonienne du marché des devises de BNP Paribas a souligné que les prix des produits de base sont largement tributaires ces jours-ci des nouvelles en provenance de Chine. Elle affirme que cela devrait stimuler notre monnaie encore la semaine prochaine.

Retour de la parité

BNP Paribas croit d'ailleurs au retour à la parité d'ici quelques mois. Cette prévision est partagée par quelques institutions financières canadiennes, dont TD Groupe financier et BMO Marchés des capitaux.

Le huard profite aussi de l'intérêt des étrangers pour les actions et les obligations canadiennes. En juin, ils en ont acheté pour plus de 10,5 milliards. «Les solides assises de l'économie attirent les investisseurs étrangers, observe Diana Petramalia, économiste chez TD Groupe financier. Le dollar canadien devrait poursuivre sa montée jusqu'à la parité d'ici la fin de l'année.»

Durant la poussée précédente vers la parité, en 2007, l'ascension du huard avait été régulière, presque linéaire. Cette fois-ci, cependant, elle s'avère des plus chaotiques.

En mai, notre monnaie avait bondi de 9,3%, un rendement inédit depuis 1950. En juin, elle s'était dépréciée de 6,1%, avant de rebondir de 7,9% en juillet.

«Cette volatilité accrue reflète à la fois l'héritage de la crise mondiale du crédit et les signes divergents d'une reprise économique globale, analyse Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. On peut présumer qu'elle diminuera à mesure que s'affirmeront les signaux de reprise et que s'atténueront les effets de la crise.»

Trois éléments stimuleront la progression plus régulière de notre monnaie, soutient-il.

D'abord, le billet vert va continuer de faiblir contre les autres monnaies à mesure que l'appétit du risque se propage parmi les investisseurs. «Le dollar américain n'est pas un bon endroit où parquer ses valeurs, a affirmé hier l'économiste nobélisé Joseph Stiglitz au cours d'une conférence à Bangkok. En ce moment, le dollar ne procure pratiquement pas de rendement et tout le monde qui l'examine juge qu'il comporte des risques élevés.»

Ensuite, le prix des produits de base va encore progresser car la demande asiatique ira grandissant. Enfin, la croissance économique canadienne s'annonce plus robuste à moyen terme que celle des États-Unis. Une fois épuisés les stimuli gouvernementaux, ses fondements plus solides vont permettre de résorber plus rapide la demande intérieure refoulée des ménages et des entreprises.

Face à la poussée de notre monnaie, les entreprises devront s'adapter en modernisant leur production. «Au bout du compte, le Canada héritera d'une compétitivité accrue qui ne sera plus tributaire des caprices des taux de change», conclut M. Gregory.