Quand il faut choisir entre faire réparer sa voiture ou aller chez le dentiste, la plupart des consommateurs n'hésitent pas longtemps. De plus en plus de dentistes, qui voient leur clientèle s'éloigner à cause du ralentissement économique, semblent croire que l'auto passe en premier.

Inquiets de ce que l'avenir leur réserve, 25% des Canadiens ont retardé ou annulé leur rendez-vous chez le dentiste depuis le début de la récession, révèle un sondage de l'Association médicale canadienne publié plus tôt cette semaine.

 

Aux États-Unis, les clients désertent les bureaux de dentistes en grand nombre, rapporte le Wall Street Journal, au point où plusieurs professionnels des soins dentaires se sont mis à faire de la publicité pour ramener leur clientèle.

Plus de la moitié des dentistes membres de l'Association dentaire américaine ont indiqué avoir constaté une baisse du nombre de rendez-vous et une diminution de leurs revenus au cours des derniers mois, selon le journal.

La fréquentation des bureaux de dentistes est directement liée au niveau de revenus, indique aussi le sondage de l'Association médicale canadienne. Ceux dont le revenu est inférieur à 30 000$ sont plus nombreux (34%) à voir annulé ou reporté leur visite chez le dentiste, que l'ensemble des répondants (25%).

Au Québec, les statistiques sur la fréquentation des cabinets de dentistes n'existent pas et la dernière enquête de l'Ordre des dentistes auprès de ses membres remonte à 2006.

Un coup de sonde auprès de quelques professionnels indique toutefois que les dentistes québécois ne sont pas épargnés.

«On a remarqué que les clients espacent leurs visites, a fait savoir une porte-parole d'une clinique de Montréal qui regroupe cinq dentistes. Les gens choisissent aussi d'étaler sur deux ou trois visites les soins qu'ils pouvaient recevoir en une seule fois.»

Les dentistes, dont la clientèle bénéficie d'une assurance privée, souffrent moins que les autres. C'est le cas au bureau de Jean Lachance, un dentiste installé au complexe Desjardins. «La majorité de notre clientèle est assurée, nous a dit son assistante, et le roulement est toujours le même, avec les baisses habituelles en février et pendant l'été.»

Même ceux qui ont des assurances sont plus prudents, précise toutefois Gilles Armand, dentiste depuis 28 ans. «La plupart des assurances ont une limite annuelle et les gens préfèrent reporter des traitements pour débourser moins», explique-t-il.

Au Québec, à peu près le tiers des travailleurs sont couverts par une assurance dentaire.

Le président de l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec, Serge Langlois, qui pratique depuis 38 ans, a déjà vu des récessions. «Ça baisse et ça revient», dit-il.

Il n'est pas surpris des conclusions du sondage de l'Association médicale canadienne. Ce qui l'étonne, c'est la proportion élevée de personnes qui ont annulé ou reporté des visites chez le dentiste. «25 %, c'est énorme», a-t-il commenté.

Selon lui, le nombre de report et d'annulations varie beaucoup selon les régions, les villes ou les quartiers. «Si dans une ville comme Trois-Rivières une usine ferme et 400 personnes se retrouvent sans emploi, c'est sûr que les dentistes vont être plus affectés.»

Le dentiste Gilles Armand, qui travaille au centre-ville et dans les quartiers montréalais de Mercier et de Montréal-Nord, confirme que le ralentissement est plus perceptible dans ces deux quartiers qu'au centre-ville. «Il y a plus de cols bleus et moins de gens avec des assurances», précise-t-il.

Aux États-Unis, les dentistes ont réagi à la baisse de leur clientèle par un effort de marketing accru. Le président de l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec doute que les dentistes du Québec fassent la même chose. «Ici, la publicité n'est pas très répandue. C'est une nouvelle tendance et c'est encore une minorité qui en fait.»

De même, Serge Langlois ne croit pas voir un jour des dentistes annoncer des rabais sur leurs services, même si rien ne les empêche de le faire. «Ça me surprendrait beaucoup», a-t-il dit.