La Banque du Canada n'annoncera aucun changement à sa politique monétaire demain, mais elle aura beaucoup d'explications à fournir sur l'évolution de l'économie depuis avril.

Les autorités monétaires se sont engagées le 21 avril à garder à son plancher de 0,25% le taux cible de financement à un jour jusqu'en juin prochain «sous réserve des perspectives de l'inflation».

Celles-ci sont un peu plus fortes que la Banque ne l'avait jaugé. Au cours des trois derniers mois, l'inflation de référence a progressé de 1,9% en rythme annualisé alors que la Banque avait plutôt misé sur 1,6%. Il est plausible aussi que l'inflation garde un rythme plus rapide que les 0,9% aux troisième et quatrième trimestres, sur lesquels la Banque a fondé sa décision de geler pendant un an son taux directeur.

Revenir sur cet engagement alors que la voie qui mène à la reprise reste remplie d'embûches serait périlleux et mal accueilli par les investisseurs.

Cela équivaudrait à donner des indices sur une stratégie de sortie de l'allègement monétaire exceptionnel présent, au moment où le gouverneur Mark Carney répète que le secteur privé n'est pas encore prêt à prendre le relais des gouvernements et des banquiers centraux pour assurer la croissance.

Il est vrai par ailleurs que l'économie donne des signes de convalescence. Le rythme de décroissance s'essouffle tandis que les mises en chantier augmentent depuis deux mois, tout comme les prix sur le marché de la revente.

Ces signes d'amélioration rendent de moins en moins approprié le recours à la planche à billets ou à des programmes additionnels d'allègement du crédit, comme il en était encore question au printemps. Il n'y aura pas de surprise sur ce front non plus.

La Banque avait précisé le 4 juin que la rapide appréciation du huard en mai était susceptible à elle seule de tuer dans l'oeuf la reprise prochaine. Le huard avait grimpé au-delà des 92 cents US d'équivalence. Il est ensuite descendu à des altitudes plus acceptables, mais il a connu une nouvelle ascension la semaine dernière et flirte de nouveau avec les 90 cents US. À pareille hauteur, les manufacturiers exportateurs, qui subissent le gros de la récession, auront du mal à relancer leurs usines, à l'exception des constructeurs d'automobiles, pris dans une dynamique exceptionnelle.

En faisant part de ses décisions demain, la Banque donnera aussi quelques indications sur les ajustements apportés à son scénario économique, dont les détails seront dévoilés jeudi avec la nouvelle parution du Rapport sur la politique monétaire.

En avril, la Banque avait évalué la contraction de l'économie canadienne au premier trimestre à 7,3% en rythme annualisé. Elle aura été plutôt de 5,4%. À moins d'entrevoir un deuxième semestre plus sombre, elle devra donc revoir légèrement à la hausse sa prévision de -3,0% de décroissance pour 2009.

Rien ne l'empêche par ailleurs de réviser à la baisse son scénario pour 2010. Avec un rebond de 2,5%, la Banque se montre plus optimiste que la plupart des économistes.

Pour expliquer que l'inflation restera faible jusqu'en 2011, la Banque, et bien d'autres économistes, soulignent que la récession a creusé un écart considérable entre la croissance réelle et le potentiel de l'économie canadienne.

Toutefois en avril, la Banque a aussi surpris beaucoup d'observateurs en réduisant l'évaluation qu'elle faisait du potentiel de croissance sans surchauffe. Cela signifie sans doute que l'écart est plus faible que d'aucuns l'estiment.

Voilà pourquoi un nombre grandissant d'économistes pensent que la Banque aura bien du mal à garder son taux directeur à 0,25% pendant encore près d'un an.

Si telle est sa conclusion aussi, elle ne nous en fera pas part de sitôt pour autant. Cela aurait pour conséquence de miner sa crédibilité future, si elle devait en d'autres circonstances prendre un engagement de même nature.