Les producteurs de lait français, rendus furieux par la baisse de leurs revenus, multiplient les coups d'éclat pour dénoncer les effets de la «politique irresponsable de libéralisation» des quotas menée par l'Union européenne.

Dans la nuit de mardi à hier, plusieurs dizaines d'entre eux ont déboulonné les chariots de quatre hypermarchés de la région de Pau, dans le sud-ouest du pays.

La veille, un autre groupe avait volé des milliers de chariots dans le nord du pays pour renforcer une barricade bloquant l'accès à un centre de distribution de Carrefour, l'une des grandes enseignes françaises.

D'autres manifestants en rogne ont bloqué pendant plusieurs heures l'accès à une centrale nucléaire de la région ainsi qu'à un chantier où un nouveau réacteur est en voie d'être érigé.

Plusieurs usines de transformation du lait ont aussi été bloquées au cours des derniers jours par des producteurs venus en tracteur.

«Ce type de jacquerie va se répéter, car nous sommes en train de mourir», a prévenu hier un représentant régional de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole du pays.

Au coeur du tollé: le prix payé aux producteurs de lait, qui n'a cessé de chuter depuis un an pour s'approcher du seuil de 200 euros par 1000 litres de lait alors que certains syndicats situent à 300 euros le niveau minimum requis pour couvrir les dépenses d'exploitation.

Au dire de la Confédération paysanne, deuxième syndicat agricole en importance, les raisons de cette déconvenue se trouvent d'abord à Bruxelles.

La Commission européenne, qui entend faire disparaître complètement les quotas sur le lait d'ici 2015, relève chaque année un peu plus le seuil de production permis, augmentant l'offre.

«La crise économique a parallèlement fait chuter la demande. Le résultat, c'est que les prix baissent de manière catastrophique», dénonce Yves Leperlier, qui est responsable du dossier à la Confédération paysanne.

L'organisation se prend à rêver par les temps qui courent à un système de gestion de l'offre similaire à celui du Québec qui permettrait de garantir des revenus décents aux producteurs «sans pour autant étrangler les consommateurs».

En attendant une hypothétique mise à plat du système, M. Leperlier souligne que la priorité est d'obtenir un gel des quotas, voire une réduction, tant à l'échelle nationale qu'européenne.

Il faut aussi, soulignent les syndicats agricoles, étudier en profondeur les marges pratiquées par les firmes de transformation de lait et les distributeurs, qui se défendent d'abuser des producteurs.

Le sentiment d'urgence de la Confédération paysanne est partagé par la FNSEA, qui s'était pourtant félicité la semaine dernière de la signature d'une entente conclue sous l'égide du gouvernement pour assurer un prix moyen annuel de l'ordre de 280 euros aux producteurs.

Son président, Jean-Michel Létayer, souligne que l'accord était «indispensable» même s'il est «loin d'être satisfaisant».

Il réclame, tout comme la Confédération paysanne, un changement de cap de l'Union européenne sur la question des quotas.

Les critiques françaises trouvent un large écho ailleurs sur le continent, puisque les producteurs de plusieurs autres pays, confrontés à une baisse similaire de leurs revenus, montent aussi au créneau.

Le phénomène n'est pas nouveau puisque des agriculteurs répartis dans une demi-douzaine de pays avaient fait l'année dernière «la grève du lait» pendant plusieurs jours pour souligner leur ire.

Malgré les hauts cris, la commissaire européenne à l'Agriculture, Mariann Fischer Boel, s'est montrée inflexible jusqu'à maintenant sur la question des quotas, arguant que la chute des prix découlait avant tout de la baisse de la demande.