S'il est une grande leçon à tirer de la crise actuelle, «c'est que nous ne vivons pas dans un monde de découplage».

Ainsi voulait résumer ce que nous traversons le président du Groupe de la Banque mondiale Robert B. Zoellick. Il était interviewé par l'animateur américain Charlie Rose en guise de causerie lors de la première journée de la Conférence de Montréal, qui en est à sa 15e présentation.

M. Zoellick s'est attardé aux difficultés posées par la nécessité de multiplier les ententes multilatérales. Si le G20 paraît hériter du rôle de leader, son formalisme pose des problèmes d'efficacité. Des sous-groupes influents devront faire cheminer des dossiers importants. «Quel sera le rôle du G8 dans cette nouvelle dynamique alors que le Canada héritera de sa direction l'an prochain?» s'est-il demandé.

Chose certaine, le monde sortira de cette récession un peu transformé. La mondialisation devra se montrer plus inclusive, a-t-il ajouté. Il craint toutefois que les vieux réflexes protectionnistes renversent la marche de l'Histoire.

Avant lui, le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn avait insisté que les décisions des autorités politiques devront être de nature multilatérale. Il faisait allusion à la refonte de la réglementation financière. «Il existe un seul système financier mondial, a-t-il souligné. Aucune réglementation nationale n'a de sens.»

Vieux et nouveaux problèmes

S'il existe de vieux problèmes à résoudre comme la réglementation des fonds de couverture, de la prise de risque ou la variation des prix des actifs dans la conduite de la politique monétaire, de nouveaux apparaîtront au sortir de la récession actuelle. «Le secteur financier sera plus petit, mais comment le rendre efficace? Par une meilleure réglementation, oui, mais pas par une réglementation excessive.»

De son côté, le secrétaire général du Commonwealth Kamalesh Sharma a présenté la mondialisation sous un jour nouveau. Le monde se comprime et s'interpénètre, a-t-il plaidé, même des valeurs comme la justice ne peuvent reposer seulement sur des bases nationales. «S'il est vrai que les membres du G20 représentent 90% de la taille de l'économie mondiale, 90% des pays ne font pas partie du G20. La croissance économique doit devenir un instrument de solidarité pour aider les pays émergents à s'extirper de la pauvreté.»

Son discours cohérent contrastait avec les réflexions à bâtons rompus de M. Zoellick. Celui-ci avait quand même mentionné que bien des pays n'ont pas les avantages des États-Unis, qui n'ont aucun problème à financer un déficit budgétaire à hauteur de 13% de la taille de leur économie. «Il n'existe tout simplement pas de marché pour la dette de plusieurs États.»

Voilà pourquoi l'assistance de 1300 milliards promise à Londres par le G20 est si capitale pour aider ces nations à traverser la crise qui, après avoir frappé le système financier, puis l'économie réelle, s'attaque maintenant aux gens en détruisant des emplois.

Or, la part promise par les États-Unis au FMI tarde à arriver, car elle fait l'objet de débats devant le Congrès.

Crise de confiance

Cela fait ressortir que la crise actuelle en est aussi une de confiance, soulignait pour sa part Anne Golden, PDG du Conference Board du Canada. «Il faut rétablir la confiance et l'optimisme sinon le capitalisme pourrait sombrer. La confiance demeure la clé d'une reprise moderne et complexe.»

Si celle des consommateurs prend du mieux, observe Jan Hatzius, économiste en chef pour les États-Unis de la banque d'affaires Goldman Sachs, c'est que les Américains ont l'impression que le pire est passé, bien que plusieurs défis demeurent. Il prédit une reprise aux États-Unis en fin d'année, alors le directeur général du FMI la voit plutôt l'an prochain. «On ne doit pas se contenter de regarder les États-Unis. L'Europe et le Japon peuvent avoir des effets sur les États-Unis», a lancé M. Strauss-Kahn à M. Hatzius qui, avec Mme Golden, participaient à l'atelier Le système financier après la crise: nouveaux acteurs, nouveaux enjeux.

Dans cette grande java mondialisée, le Canada paraît un danseur de premier ordre. Le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économique, Angel Gurria, a souligné que, selon l'indicateur avancé de l'organisme situé à Paris, notre pays est moins frappé par la récession mondiale, dispose d'institutions plus solides et sera un des premiers à connaître la reprise.

Le premier ministre du Québec Jean Charest n'a pas raté l'occasion de souligner que le Québec avait créé des emplois pour le deuxième mois d'affilée en mai.

Il a lancé un vif plaidoyer en faveur du libre-échange, rappelant son rôle dans les négociations actuelles entre l'Europe et le Canada en vue d'un partenariat économique qui inclurait la mobilité professionnelle.

Il a annoncé aussi que son gouvernement déposera aujourd'hui un projet de loi pour libéraliser la mobilité interprovinciale de la main-d'oeuvre.

La deuxième journée de la conférence portera sur le développement durable.