Mai 1999. Si on tient compte de l'inflation, il faut remonter 10 ans en arrière pour voir des exportations internationales québécoises aussi faibles que celles de mars dernier.

À 5,1 milliards de dollars, les exportations du mois de mars accusent un recul de 2% par rapport à février, une performance meilleure que ce à quoi s'attendait l'économiste principale de Desjardins, Hélène Bégin, qui suit ces données à la trace. Le problème, c'est que ces baisses s'accumulent. Ainsi, pour les trois premiers mois de 2009, les exportations québécoises sont en baisse de 10,3% comparativement au premier trimestre de 2008.

«Cette détérioration du commerce extérieur indique que le Québec est encore fortement touché par les difficultés économiques mondiales, analyse-t-elle. La récession, qui afflige notre économie depuis la fin de 2008, n'est donc pas sur le point de se résorber.»

Produits pharmaceutiques, aluminium, papier journal et avions entiers...: 17 des 25 groupes de produits exportés par le Québec ont affiché une baisse en mars. Moteurs et pièces d'avions, eux, ont progressé de 17,9%.

Chez Rio Tinto Alcan, qui expédie 90% de sa production québécoise aux États-Unis, on a d'ailleurs réduit la production de 50 000 tonnes (sur 1,1 million de tonnes dans la province) le mois dernier, avec la fermeture de l'usine de Beauharnois.

«Nos marchés, ce sont la construction et le secteur de l'automobile», explique le porte-parole de Rio Tinto Alcan, Stefano Bertolli. Deux marchés qui ont la vie dure ces temps-ci, sent-il le besoin de rappeler.

Fait à noter, à la fin de mars, le dollar canadien s'échangeait encore contre moins de 80 cents US. Hier, il a dépassé les 90 cents d'équivalence en matinée, un bond de 12,5% en moins de deux mois. Un écart que les exportateurs qui ne se sont pas protégés contre les célèbres fluctuations du huard devront assumer.

«Ça m'inquiète beaucoup parce que j'ai l'impression qu'on est en train de reculer présentement», dit Jean-Michel Laurin, vice-président aux affaires mondiales des Manufacturiers et exportateurs du Canada. «J'espère que ça va faire prendre conscience qu'il faut développer d'autres marchés que les États-Unis», ajoute-t-il, précisant que 55% de la production manufacturière québécoise est écoulée sur le marché américain.

Il y a toutefois une lueur de stabilisation, selon un sondage qu'il mène auprès de ses membres: «Il y a autant de gens qui pensent que ça va aller mieux qu'il y en a qui pensent que ça va aller moins bien.»

Dans sa plus récente mise à jour datée de la mi-mai, Exportation et développement Canada disait s'attendre à une baisse de 15% des exportations québécoises en 2009 (en dollars courants, contrairement aux données citées plus haut) et à une modeste remontée de 2% en 2010. «Selon nos prévisions, écrit l'agence fédérale, le secteur forestier, qui génère 14% des exportations de la province, n'est pas au bout de ses peines et les ventes de produits forestiers à l'échelle internationale devraient reculer de 5% en 2009.»

Forte baisse des importations

Les données publiées hier par l'Institut de la statistique contenaient un autre élément qui illustre la faiblesse de l'économie québécoise: nos importations internationales ont culbuté de 6,9% en mars et de 19,7% pour les trois premiers mois de l'année.

Ceux qui cherchent de bonnes nouvelles verront là une amélioration à venir de la balance commerciale du Québec, largement déficitaire depuis cinq ans. «On peut se consoler, mais c'est une mince consolation, estime Mme Bégin. Ça indique une faiblesse très prononcée de notre économie intérieure.»

Heureusement, dit-elle, il y a le programme québécois d'infrastructure, «le seul point positif» de la demande intérieure. L'automne, ce sera au tour du programme fédéral de commencer à porter fruits, d'apporter de l'oxygène à une économie qui recule moins vite que d'autres, mais qui recule quand même.

 

-10,3%

Baisse des exportations internationales au premier trimestre de 2009*

-15%

Baisse prévue par EDC des exportations québécoises en 2009

-19,7%

Baisse des importations internationales au premier trimestre de 2009*

*par rapport à la même période en 2008