Les années folles sont révolues, mais les enchères de printemps chez Christie's et Sotheby's à New York ont démontré que le marché de l'art est loin d'être moribond et peut même réserver des surprises.

Dans un environnement touché depuis l'automne dernier par la crise financière mondiale, Christie's a réussi à réaliser mercredi 93,7 millions de dollars pour sa vente d'art contemporain, une semaine après les ventes d'art impressionniste et moderne qui avaient rapporté 102 millions.

Sans atteindre ne serait-ce qu'une petite portion des 348 millions de dollars engrangés l'an dernier à la même époque pour l'art contemporain, la soirée de mercredi s'est inscrite dans la fourchette des estimations désormais révisées du marchand d'art, entre 71,5 et 104,5 millions.

Dans une salle bondée, le public très huppé de ces «grandes ventes du soir» qui se tiennent deux fois par an, en novembre et mai, a même applaudi à l'issue de la soirée.

«Il y avait vraiment quelque chose de magique dans l'air», a estimé Brett Gorvy, co-directeur du secteur d'art contemporain de Christie's, déclarant que la vente avait été un succès. «On se serait vaguement crus revenus en 2008», a ajouté une de ses collègues, Amy Cappellazzo.

Au total, 91% des lots ont trouvé preneur, dont 30 à plus d'un million de dollars.

Et pour la deuxième semaine consécutive, Christie's a fait mieux que son concurrent Sotheby's, qui n'a pas réussi mardi à atteindre ses estimations de recettes, malgré une fourchette modeste de 52-72 millions, et a réalisé 47 millions de dollars au total.

Les enchères chez Christie's ont notamment vu partir une toile de David Hockney, «Beverly Hills Housewife», pour 7,9 millions de dollars, un record pour l'artiste britannique.

«Ocean Park» de Richard Diebenkorn a été adjugé 6,6 millions de dollars, un Roy Lichtenstein, «Frolic», est parti pour 6 millions et un Warhol, «The Last Supper», pour 4 millions.

Seuls cinq lots sur 54 n'ont pas été adjugés, dont une huile de Marc Rothko et une autre de Franz Kline, les enchérisseurs étant restés bien en-deçà des 3 millions de dollars correspondant à la fourchette basse de l'estimation.

Les commissaires-priseurs admettent avoir changé de stratégie, et attirent les acheteurs avec des prix réalistes et des artistes au nom établi.

«Nous avons cherché à comprendre où se trouvent les acquéreurs aujourd'hui, et nous les avons contactés», dit Brett Gorvy.

Chez Sotheby's, Anthony Grant, expert en art contemporain, souligne que beaucoup moins de lots sont proposés à la vente, tandis que Tobias Meyer, directeur du département d'art contemporain, rappelle que les oeuvres sélectionnées ont une présence déjà solide dans des collections.

Pour certains spécialistes, la lumière est en vue au bout du tunnel. «La terre commence à être un peu plus stable sous nos pieds», ponctue Tobias Meyer.

Les ventes d'art impressionniste et moderne de la semaine précédente ont suivi à peu près le même rythme. Si Christie's est resté dans sa fourchette de 87-125 millions, avec 102 millions de recettes, Sotheby's a eu moins de chance, atteignant seulement 61,4 millions dollars.

Gros échecs de la soirée chez Sotheby's, les deux pièces principales, une toile de Picasso et une sculpture de Giacometti, n'avaient pas trouvé preneur.

En mai 2008, dans un marché euphorique, un triptyque de Francis Bacon avait été adjugé à l'homme d'affaires russe Roman Abramovitch pour 86,2 millions de dollars, un record pour le peintre irlandais, un an seulement après un précédent record pour une oeuvre de cet artiste, à 30 millions de moins.