C'est avec le sentiment désagréable de se «faire avoir» que les automobilistes sont passés à la caisse de la station-service, hier matin. Le prix de l'essence a bondi de 10 cents le litre à Montréal en quelques heures pour franchir le cap symbolique de 1$. Un prix trop élevé au goût de bien des consommateurs. Et de CAA-Québec.

Cette hausse subite, après des semaines de stabilité, n'a pas surpris les consommateurs que La Presse a rencontrés par à la station-service Ultramar de la rue Laurier, à Montréal. «À la veille de la fête des Mères, il fallait s'y attendre. Les pétrolières savaient qu'on allait se déplacer davantage, alors elles en ont profité», a dit Mireille Giroux, 32 ans. Ses doigts venaient de relâcher la pression sur le pistolet de la pompe à essence qui ravitaillait son véhicule utilitaire sport. À 1,04$ le litre, elle avait décidé de s'en tenir à «un petit 20$». Pour le plein, elle attendra que le prix redescende.Sans le savoir, elle a suivi la recommandation du jour du CAA-Québec, qui relève sur son site internet que le «prix réaliste» pour la région de Montréal était vendredi de 97,7 cents. Dans ces conditions: «Évitez de faire le plein d'essence», conseille le CAA. «Vous faites alors part de votre insatisfaction en tant que consommateur.» La Régie de l'énergie estime aussi que le prix minimum moyen à Montréal pour la semaine du 11 mai sera de 92 cents, auquel il faut ajouter la marge de profit des détaillants, qui oscille généralement autour de cinq cents.

La rumeur selon laquelle les prix avaient grimpé en flèche dans la métropole s'est même rendue jusqu'à Drummondville, où il était encore possible de faire de bonnes affaires: certains points de vente affichaient 83,4 cents le litre, hier midi. «Il y a plus de monde aujourd'hui, a remarqué Carl Descheneaux, pompiste d'une station située près d'un accès à l'autoroute 20. Les gens qui ont à se déplacer vers Montréal tiennent à faire le plein avant de partir.»

Les dernières nouvelles économiques aux États-Unis - meilleures que les spécialistes ne l'avaient prévu - et la possibilité d'une reprise sont en partie responsables de la hausse du prix du baril de pétrole et, par conséquent, des prix à la pompe, a justifié hier le porte-parole de l'Industrie des produits pétroliers, Carol Montreuil.

«Les consommateurs sont victimes de la spéculation, estime de son côté Normand Mousseau, professeur à l'Université de Montréal. On anticipe que l'économie et que la demande vont augmenter, alors le prix monte. Ce n'est pas la pénurie de pétrole qui fait fluctuer les prix.»

Dans ces conditions, oui, les automobilistes risquent de voir leurs factures de carburant continuer à gonfler à mesure que les vacances et la période des grands déplacements approcheront. En 2008, le prix maximum - 1,49$ - a été atteint au tout début des vacances scolaires et s'est maintenu jusqu'au milieu des vacances de la construction. «Je ne crois pas qu'on atteindra un tel sommet cette année, dit M. Mousseau. La demande n'est pas aussi forte à cause du ralentissement économique. Mais le prix du baril de pétrole ne redescendra pas.» Il souligne que les vieux gisements s'épuisent et que les nouveaux coûtent plus cher à exploiter.

Auteur du livre L'avenir du Québec passe par l'indépendance énergétique, M. Mousseau espère que cette hausse incitera les consommateurs à modifier leurs habitudes. Mais encore faut-il qu'ils en aient les moyens. «Je mets moins de 10 minutes pour aller au bureau en auto, et il faut une heure et demie en transports en commun. Le calcul est simple à faire», relevait hier Pascal Cheype au volant de sa petite compacte.

Québec étudie présentement diverses mesures destinées à permettre aux consommateurs de mieux prévoir les fluctuations des prix du carburant, dont la mise sur pied d'un site internet géré par la Régie de l'énergie.