L'aggravation de la récession depuis janvier oblige la Banque du Canada à abaisser une ultime fois son taux directeur, au seuil inédit de 0,25%.

Dans un accent de transparence sans précédent, les autorités monétaires précisent même que «le taux cible de financement à un jour devrait demeurer au niveau actuel jusqu'à la fin du deuxième trimestre de 2010 afin que la cible d'inflation puisse être atteinte».

 

La décision a surpris quelque peu puisqu'une mince majorité d'observateurs s'attendaient plutôt au statu quo de 0,5%. L'effet marginal de cette annonce reste à démontrer, arguaient ses tenants, et l'oblige à modifier le cadre de mise en oeuvre de sa politique monétaire.

Quelques minutes à peine après cette annonce hier matin, cependant, les institutions financières ont à leur tour diminué de 25 centièmes leur taux préférentiel, qui passe à 2,25%. À partir d'aujourd'hui, le coût de remboursement des prêts hypothécaires à taux variables diminue aussi (voir autre texte).

«La récession qui a frappé l'économie mondiale s'est intensifiée et est devenue plus synchronisée, écrit la Banque du Canada dans son communiqué. L'activité a diminué plus qu'escompté dans tous les grands pays industrialisés.»

En outre, la mise en oeuvre des mesures visant la stabilisation du système financier international est plus longue que prévu.

Cela l'amène à réviser son scénario économique. La décroissance de -1,2% prévue en janvier pour 2009 se creusera jusqu'à -3%, ce qui place la banque parmi les observateurs les plus pessimistes. La reprise est reportée à l'automne, soit un trimestre plus tard. L'expansion rapide de 3,8% anticipée encore en janvier pour 2010 est ramenée à 2,5%.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a indiqué qu'il n'a pas l'intention de revoir à la baisse ses prévisions, contenues dans son budget adopté en mars. «Je maintiens mes projections budgétaires. Nous sommes sur la bonne voie. Nous allons continuer notre programme de dépenses pour stimuler l'économie», a-t-il affirmé en point de presse.

La molle reprise retardera de deux trimestres l'atteinte de sa cible d'inflation de 2,0%, prévoit la banque.

Ayant maintenant épuisé son outil classique de détente monétaire, elle devra recourir à d'autres instruments non conventionnels d'allégement du crédit qui seront dévoilés demain avec la publication du Rapport sur la politique monétaire.

La banque a néanmoins annoncé une nouvelle façon d'injecter des liquidités. Jusqu'à hier, le taux cible de financement à un jour était le point médian d'une fourchette de 50 centièmes. La limite supérieure correspondait au taux d'escompte, c'est-à-dire celui auquel elle prête aux institutions. La limite inférieure correspondait au taux de rétribution des dépôts qu'elles faisaient à la banque. En offrant un rendement plus faible que son taux cible, la banque centrale décourageait les dépôts chez elle pour inciter les institutions à se prêter entre elles à ou près de son taux cible.

«Avec un taux cible de 0,25%, la banque avait un problème, elle ne pouvait pas abaisser le taux de dépôt davantage», fait remarquer Martin Lefebvre, économiste principal, chez Desjardins.

Désormais, la banque rétribuera les dépôts qu'on lui confie à son taux cible de 0,25%. «Cette valeur plancher est essentielle afin de ne pas perturber le fonctionnement du marché monétaire», souligne Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Ce faisant, elle va attirer des dépôts avec lesquels elle compte se créer des réserves de 3 milliards. Cet argent servira à acheter des titres gouvernementaux ou d'entreprises, à sa convenance. «Cette mesure, jumelée à l'engagement de ne pas toucher au taux cible pendant au moins un an, devrait contribuer à aplatir la courbe de rendements des marchés monétaires», souligne Michael Gregory, économiste chez BMO Marchés des capitaux.