L'adage veut que l'optimiste voie le verre à moitié plein, mais le pessimiste, à moitié vide.

C'est désormais faux, en prévision économique du moins. L'optimiste croit que la récession sera terminée avec le retour des beaux jours, alors que le pessimiste la voit s'étirer jusqu'au rougeoiement des érables, tant aux États-Unis qu'au Canada.

RBC (Banque Royale) se range à n'en pas douter dans le camp des optimistes. La principale institution financière au pays considère que le Canada vit ces jours-ci les pires moments de la présente récession. Le produit intérieur brut (PIB) réel, qui mesure la variation des volumes de production de biens et services, aura reculé au premier trimestre de 4,3%, soit un point de pourcentage de plus que durant l'automne. Au printemps, l'activité diminuera encore de 0,8% avant la relance qui se pointera dès l'été. Résultat: pour l'ensemble de l'année, l'économie canadienne se sera contractée de 1,4%, mais elle rebondira de 2,4% en 2010.

 

L'institution torontoise (malgré l'adresse montréalaise de son siège social) voit des variations provinciales considérables au cours de 2009 et 2010. Si la Saskatchewan, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse échapperont à la décroissance réelle cette année, la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Alberta seront frappés de plein fouet, mais connaîtront l'an prochain une reprise des plus vigoureuses.

La contraction sera moins forte au Québec (-0,6%), mais la relance moins dynamique, à hauteur de 2,3%. Cela correspond tout de même à sa vitesse de croisière normale.

Plus pessimiste à la TD

Chez la TD (Banque Toronto-Dominion), on se montre beaucoup plus sombre. La contraction de l'économie canadienne touchera 2,4% cette année et la relance sera d'à peine 1,3% l'an prochain.

Si TD partage l'analyse de RBC selon qui le trimestre en cours sera le plus dur de la récession, elle estime qu'elle continuera de s'approfondir au printemps et à l'été, bien que moins brutalement.

La confiance de RBC s'appuie beaucoup sur la santé relative du marché du travail, sur le niveau d'endettement moins élevé des ménages canadiens que les américains ou les britanniques, sur l'efficacité du plan de relance fédéral et des initiatives de la Banque du Canada.

«Nous croyons qu'elles seront fructueuses et qu'une expansion généralisée de l'économie se produira en 2010, écrivent Craig Wright, Paul Ferley et Dawn Desjardins, les trois économistes qui signent le document de perspectives trimestrielles. Mais nous reconnaissons que cette période d'incertitude sans précédent sera marquée par la turbulence!»

TD ne partage pas ces vues. Elle juge que la récession aux États-Unis continuera de faire ses ravages de ce côté-ci de la frontière.

Sa directrice des prévisions économiques, Beata Caranci, met en lumière que les données du PIB réel ne donnent pas une idée juste du mordant de la récession actuelle.

Elle juge incontournable de s'attarder aux données du PIB nominal qui mesure la taille de l'économie en dollars d'aujourd'hui. Or, la contraction sera de 4,5% cette année, soit plus du double de la performance américaine à cet égard.

«Le premier recul à ce jour du PIB nominal pour l'ensemble de l'année pèsera sur l'emploi, les salaires, les dépenses en capital les recettes fiscales, à mesure qu'on avancera dans 2009», prévient Mme Caranci.

Les gouvernements des provinces productrices d'énergie seront touchés au premier temps, compte tenu de l'effondrement des prix du pétrole et, dans une moindre mesure, du gaz naturel.

Le consommateur abandonne

Mme Caranci croit en outre que la capitulation du consommateur américain à la fin de 2008 aura été l'onde de choc qui entraîne l'économie mondiale dans sa première année de décroissance. Son document n'accorde, semble-t-il, que peu d'importance au fait que les ventes au détail, hors auto, ont rebondi en février aux États-Unis pour le deuxième mois d'affilée.

Elle prévoit un recul de 1,6% de l'économie mondiale, ce qui la place à l'extrémité des pessimistes au Canada. Le Fonds monétaire international, tout comme RBC, prévoit une modeste croissance mondiale de 0,5% en 2009. Le numéro un du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a laissé entendre toutefois cette semaine en Tanzanie qu'une décroissance demeure bien possible.