Des forfaits sans-fil illimités à 40$ par mois, sans aucun frais cachés? Ce sera chose possible d'ici la fin septembre au Québec et en Ontario, affirme une petite société de Toronto, même si le genre de fréquences qu'elle utilisera n'a jamais servi nulle part dans le monde pour la transmission cellulaire.

BMV Holdings, qui vient de se rebaptiser Public Mobile, a acquis le printemps dernier un bloc de fréquences jugé indésirable par les géants de l'industrie pendant une enchère organisée par Industrie Canada. L'entreprise a payé un maigre 52 millions de dollars, une goutte d'eau par rapport aux 4,3 milliards récoltés au total par l'État par la vente des licences sans-fil. Vidéotron, par exemple, a allongé 555 millions.

Or, Public Mobile affirme aujourd'hui être capable de rejoindre un bassin potentiel de 19 millions de personnes au Québec et en Ontario grâce aux fréquences du «bloc G» qu'elle a acquises.

L'entreprise a approché à la mi-décembre une firme chinoise, ZTE, qui a développé en deux semaines à peine un logiciel permettant à la plupart des téléphones existants de fonctionner avec ce type de spectre. C'est ce qu'a affirmé hier Alek Krstajic, chef de la direction de Public Mobile, en entrevue avec La Presse Affaires à Montréal.

«Tous nos compétiteurs ont dit que nous avions acheté du spectre inutilisable, sans aucun appareil compatible, mais nous allons faire la démonstration avec un appareil pour déboulonner ce mythe», a-t-il dit.

Public Mobile tient ce matin une conférence de presse à Toronto, où elle effectuera devant des journalistes des appels avec un appareil ZTE compatible avec les fréquences du «bloc G».

Spectre orphelin

Le spectre sans-fil du «bloc G» est en quelque sorte «orphelin», a expliqué l'analyste en télécoms Amit Kaminer, de la firme SeaBoard Group.

«Présentement, dans la plupart des pays, les équipements et les appareils fonctionnent avec les fréquences comprises entre A et F, il n'y a pas d'équipements qui fonctionnent avec le G», a-t-il souligné.

Cette absence d'équipements compatibles explique la faiblesse du prix payé par Public Mobile, selon lui. Mais si l'entreprise réussit à encourager le développement d'appareils compatibles -ce qui semble être le cas-, elle aura alors fait une très bonne affaire en payant seulement 52 millions pour ses fréquences, ajoute-t-il. «L'affaire du siècle.»

«Si le modèle d'affaires se démontre, de plus en plus de fournisseurs vont développer des produits et des équipements, ce qui va créer un véritable écosystème», a indiqué Amit Kaminer.

Crédibilité

Si beaucoup de gens remettent en cause la viabilité de Public Mobile, l'analyste du SeaBoard Group estime que la nomination d'Alek Krstajic à la tête de l'entreprise en octobre est très rassurante. Et gage de crédibilité.

M. Krstajic, âgé de 45 ans, a travaillé comme cadre pendant de longues années chez Rogers avant d'aboutir chez Bell en 2003. Il a été nommé président de Bell Mobilité en 2005, avant de prendre une retraite de deux ans l'année suivante pour s'occuper de ses trois jeunes enfants.

«Alek Krstajic représente un actif de taille pour la société, car il connaît bien les limites des joueurs dominants Bell et Rogers en termes de budget, de capacité et de mentalité», selon l'analyste.

Brian O'Shaughnessy, vice-président, Réseaux et technologies, est quant à lui un ingénieur de formation qui a travaillé à mettre sur pied les premiers réseaux cellulaires de Bell au Québec à partir de 1985.

Le grand défi de Public Mobile sera maintenant de trouver une technologie fiable, selon Amit Kaminer. «Au moindre pépin, ils seront montrés du doigt.»

L'entreprise refuse de dévoiler ses ressources financières, se contentant de dire qu'elles atteignent «plusieurs centaines de millions». Elle compte parmi ses investisseurs les sociétés de capital de risque Columbia Capital et M/C Venture Partners, Charles River Ventures et Rho Ventures.

Le fonds de retraite ontarien OMERS a pour sa part annoncé un investissement de 50 millions dans l'entreprise le mois dernier.

Public Mobile compte offrir des forfaits illimités à 40$ par mois dès la fin septembre à Montréal et Toronto, puis éventuellement dans tout le corridor Québec-Windsor. Un service sans aucun flafla, qui permettra seulement de faire des appels vocaux et d'envoyer des messages texte. Loin des iPhone et autre Blackberry.

«On croit que le sans-fil devrait être un droit, et non un privilège», a lancé M. Krstajic.