Un proche vous demande un prêt...êtes-vous disposé à répondre à sa demande? Il y a de belles causes... et d'autres qui sont perdues d'avance.

Un proche vous demande un prêt...êtes-vous disposé à répondre à sa demande? Il y a de belles causes... et d'autres qui sont perdues d'avance.

C'est arrivé en novembre dernier. Du jour au lendemain, Jean (nom fictif, faits vécus) a vu ses projets de retraite s'écrouler. Sa situation financière était saine, pourtant. Mais il avait cautionné le prêt de son jeune fils, pour lui permettre de lancer sa compagnie. L'entreprise a échoué. Jean a été entraîné dans le naufrage.

Le créancier de son fils lui a demandé de rembourser l'ensemble des dettes dont il s'était porté garant. «Il a été obligé de réhypothéquer ses actifs pour rembourser ces dettes, relate le syndic de faillite Josée Pomerleau. Ce n'était pas suffisant. Il a remboursé ce qu'il pouvait et il a ensuite fait faillite. Puis il s'est cherché un emploi. Au lieu d'être aujourd'hui à la retraite, il le sera peut-être dans cinq ou six ans.»

«Si le père avait fait une analyse financière et vérifié la capacité de son fils à gérer une entreprise, ajoute-t-elle, il aurait probablement réalisé que ça n'avait pas de bon sens.» C'est tout le problème des prêts et cautionnements entre proches: les sentiments se glissent devant les faits et les chiffres.

Selon un sondage réalisé pour le groupe Investors, dont les résultats ont été dévoilés début janvier, six Québécois sur dix ont déjà prêté ou emprunté plus de 500$ à un proche. Le quart des créanciers n'ont jamais été remboursés en totalité. Plus troublant, la moitié de ceux qui ont senti le plus de pression à consentir un prêt n'ont jamais revu la couleur de leur argent.

On ne peut tout de même pas refuser la requête d'un proche, dites-vous? «La plupart des cautions que j'ai vues étaient données par le père, la mère, le frère, la soeur», observe Josée Pomerleau, qui les voit passer justement parce que l'histoire s'est mal terminée.

Il y a pire: tomber deux fois dans le piège. Elle cite le cas d'une soeur qui a cautionné le prêt de son frère, ce qui a permis à celui-ci de s'enfoncer encore davantage. Elle a accepté de le cautionner une seconde fois. «Elle a tout perdu», résume Josée Pomerleau. «Au lieu d'arrêter l'hémorragie au premier jour, elle s'est dit que si elle cautionnait un autre prêt, son frère serait capable de s'en sortir. Mais elle ne s'est jamais demandé pourquoi son frère en était rendu là, et pour quelles raisons il s'en sortirait mieux la seconde fois.»

Quand un proche nous demande de cautionner son prêt, avise-t-elle, on doit d'abord se poser cette question: si cette caution est demandée, peut-on assumer la dette sans mettre en péril notre situation financière?

La crise financière et les difficultés économiques peuvent inciter certains à solliciter leurs proches plutôt que leur banquier. Or, ces bouleversements ont déjà grandement affecté les liquidités des particuliers. «La personne qui a cautionné un prêt pendant que ses placements étaient au sommet se sentait très à l'aise de le faire. Mais aujourd'hui, si la caution est rappelée, cette personne ne sera probablement pas capable de payer», expose Josée Pomerleau, qui en voit les résultats dans sa pratique quotidienne. «Je pense qu'en 2009, il devrait y avoir pas mal de rappels de cautions.»

Les emprunts entre proches sont-ils pour autant à déconseiller systématiquement? «Non, au contraire», répondent la planificatrice Lison Chèvrefils et la notaire Denise Archambault, auteures de l'ouvrage Les bons comptes font les bons couples, «mais ils doivent respecter certaines conditions pour éviter des situations déplaisantes pour les deux parties.»