L'Autorité des marchés financiers (AMF) vient d'intenter une poursuite contre un homme qui a déjà eu à faire avec Norshield et la mafia.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) vient d'intenter une poursuite contre un homme qui a déjà eu à faire avec Norshield et la mafia.

Antonio Rossi, de Saint-Léonard, est poursuivi devant la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec pour avoir pratiqué illégalement le commerce des valeurs mobilières. L'AMF porte 47 chefs d'accusation contre M. Rossi et lui réclame 470 000$ d'amendes.

Entre 2002 et 2004, Tony Rossi aurait soutiré quelque 400 000$ à une vingtaine d'épargnants de la région de Montréal en leur promettant un rendement de 100% en moins de six mois, soutient le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge. L'argent, présumé investi dans des PME de biotechnologie en Bourse, a été entièrement perdu.

Selon l'AMF, Tony Rossi a sollicité les investisseurs sans avoir de permis de courtage ni établi de prospectus. Les investisseurs floués ont fait des chèques à M. Rossi, mais n'ont pas eu d'informations par la suite sur l'usage des fonds, nous dit M. Théberge. Plusieurs investisseurs travaillent pour l'entreprise Pratt&Whitney à Longueuil. L'enquête de l'AMF a commencé en 2007.

Joint au téléphone, Tony Rossi dit ne pas comprendre pourquoi l'AMF s'en prend à lui. «J'ai seulement emprunté de l'argent à des connaissances. Je n'ai pas investi l'argent ou joué au courtier, je ne connais rien là-dedans, je travaille dans l'automobile», a dit M. Rossi.

L'homme de 54 ans dit n'avoir promis à personne des rendements avec des firmes biotechs. «Je n'ai signé de contrats avec personne; je ne suis pas un fraudeur», affirme M. Rossi, qui dit n'avoir jamais été questionné par l'AMF à ce sujet.

Tony Rossi s'est retrouvé dans diverses situations embarrassantes ces dernières années. D'abord, son nom figure dans un document de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a servi à l'opération antimafia Colisée.

Entre décembre 2005 et mars 2006, la GRC a intercepté des conversations entre Tony Rossi et des membres influents de la mafia, notamment Frank Del Balso. Les discussions portaient sur les 5 millions de dollars que devait à la mafia le financier John Xanthoudakis, PDG déchu de l'entreprise Norshield. Dans le document, Tony Rossi apparaît comme un lien entre John Xanthoudakis et la mafia.

Cette dette de John Xanthoudakis, qui se fait appeler John X, avait mené à un avertissement musclé de la mafia, à la fin de 2005, à la Place Ville-Marie. John X s'en était alors tiré avec un oeil au beurre noir et une coupure.

Tony Rossi connaît John X depuis plusieurs années. À la fin des années 90, les deux hommes ont été partenaires dans l'entreprise Vehitech. Cette PME de Boucherville travaillait à intégrer les systèmes de radiocommunication aux ordinateurs des voitures de police.

Norshield, propriété de John X, était le principal actionnaire de la PME. En 1999, Jacques Duchesneau, ex-chef du service de police de Montréal, a même été brièvement le président de Vehitech.

Étonnamment, Vehitech a également des liens avec l'ex-producteur de dessins animés Cinar. Selon un rapport, Vehitech faisait partie d'une dizaine de PME qui avaient été mises en garantie par une firme apparentée à Norshield aux Bahamas pour justifier l'usage des fonds de Cinar.

Concernant l'altercation entre John X et la mafia montréalaise, Tony Rossi soutient avoir été victime des circonstances. «Moi, j'étais souvent avec John X. Et ils (NDLR: la mafia) croyaient que j'avais peut-être une certaine facilité pour réaliser leurs objectifs. Je ne connaissais pas leur nom (...) J'ai été appelé souvent concernant ce dossier-là. J'ai été une victime des circonstances, qui m'ont occasionné beaucoup de problèmes», dit-il.

Tony Rossi n'a pas été accusé dans la foulée de l'opération Colisée, ni dans aucune autre affaire criminelle. Par contre, ses problèmes d'argent sont connus. En octobre 2007, l'entreprise Financement Malts, de Laval, lui a réclamé 110 000$ en Cour supérieure. Selon les documents, l'argent lui aurait été prêté en décembre 2005 et mars 2006 après une entente verbale. Le taux d'intérêt dépassait 50%.

Malts est cette entreprise que la GRC a soupçonnée être un outil de la mafia pour faire du blanchiment d'argent. «C'était supposé être une compagnie légitime. J'ai tout perdu. Je suis endetté jusqu'aux cheveux. C'est malheureux, mais ç'a ruiné ma vie», dit M. Rossi.