Le budget du gouvernement Charest, attendu en mars, pourrait être écrit à l'encre rouge. Après avoir promis en campagne électorale de maintenir l'équilibre budgétaire, les libéraux ouvrent maintenant la porte à un déficit l'an prochain.

Le budget du gouvernement Charest, attendu en mars, pourrait être écrit à l'encre rouge. Après avoir promis en campagne électorale de maintenir l'équilibre budgétaire, les libéraux ouvrent maintenant la porte à un déficit l'an prochain.

Lors du dépôt de sa mise à jour économique le 4 novembre, la veille du déclenchement des élections, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, avait assuré que «les finances publiques du Québec demeureront équilibrées cette année et l'an prochain», malgré le ralentissement économique.

En campagne électorale, le Parti libéral a pris l'engagement ferme de maintenir l'équilibre budgétaire, une promesse martelée par le premier ministre Jean Charest.

Or, à l'entrée d'une réunion du caucus libéral hier, Monique Jérôme-Forget a refusé de réitérer cette promesse. «Je prendrai les engagements en temps et lieu quand j'aurai la situation claire», a-t-elle affirmé.

La grande argentière du gouvernement a indiqué qu'elle «ne pense pas qu'il y aura un déficit cette année», donc en 2008-2009. Et l'an prochain? «On va voir. On va mettre les chiffres à jour», a-t-elle répondu quelques heures avant l'ouverture de la session extraordinaire de trois jours de l'Assemblée nationale.

Monique Jérôme-Forget s'est défendu d'ouvrir «maintenant» la porte à un «déficit ponctuel». Mais la ministre a rappelé que la crise économique frappe durement les finances du Québec. «Vous savez, tous les gouvernements ont revu à la baisse leurs revenus. Le Québec, manifestement, ne sera pas épargné», a-t-elle expliqué.

Monique Jérôme-Forget n'a pas voulu préciser l'état actuel des finances publiques puisque «les données doivent être mises à jour». «Je ne vais pas me prononcer maintenant. Je ne pense pas qu'il y aura un déficit cette année. Je vais faire mon travail correctement. Je ne vais pas vous donner un chiffre comme ça qui me sort de la tête», a-t-elle dit.

Dans sa mise à jour économique de novembre, avant les élections, la ministre était beaucoup plus rassurante sur la santé des finances publiques.

Une réserve de 2,3 milliards de dollars, constituée au cours des deux dernières années, permettra d'éviter un déficit cette année et l'an prochain -car les dépenses de l'État excèdent les revenus ces années-là- malgré la tempête économique, disait-elle. Le vérificateur général avait toutefois critiqué les méthodes de calcul du gouvernement.

Dans sa mise à jour, Québec avait également revu à la baisse ses prévisions de croissance contenues dans son budget déposé en mars. Elles sont passées de 1,5% à 0,8% pour 2008, et de 2% à 0,6% en 2009.

La nouvelle présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, a esquivé les questions des journalistes sur les finances publiques, prétextant que celles-ci devaient être posées à sa collègue Jérôme-Forget. «Moi je contrôle les dépenses, et elle s'occupe du déficit», a-t-elle dit.

Mme Gagnon-Tremblay a toutefois assuré qu'«il n'y aura pas de déficit cette année». Pour l'an prochain, c'est moins sûr. «Écoutez, laissez-moi regarder les documents... Il ne devrait pas y en avoir non plus, selon le premier ministre, mais je n'ai pas eu le temps de regarder.»

Lundi, Jean Charest a en effet affirmé qu'«on va pouvoir rester en équilibre budgétaire» au cours des deux prochaines années en raison de la réserve de 2,3 milliards. Mais hier, il s'est fait moins catégorique. «On fait tous les efforts pour avoir un budget équilibré», a-t-il dit.

Le chef démissionnaire de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, met en doute la crédibilité de la mise à jour économique de novembre qui était à ses yeux «tout jovialiste» et «tout rose». «Est-ce que c'était finalement une mascarade préélectorale ou est-ce que c'était un fidèle, réel, bon portrait de la situation économique et financière du moment? Ça, les prochaines semaines vont nous le dire, au fur et à mesure que les vraies données vont être connues», a-t-il affirmé.

De son côté, le critique de l'opposition officielle en matière de finances, François Legault, estime que le gouvernement a floué la population en campagne électorale.

Monique Jérôme-Forget présentera aujourd'hui un énoncé afin de stimuler l'économie. Elle concrétisera des engagements électoraux, comme la hausse des investissements dans les infrastructures, l'augmentation du salaire minimum et la création d'un crédit d'impôt pour la rénovation résidentielle.

Lundi, Jean Charest a baissé les attentes et affirmé que l'énoncé économique sera «sans grosses surprises». «M. Charest va décevoir la population s'il ne va pas plus loin que ce qu'il a dit en campagne électorale, a réagi la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois. Malheureusement, ça pourrait n'être que symbolique.»

«Ça vaut la peine de se réunir cette semaine à l'Assemblée nationale, a dit de son côté Monique Jérôme-Forget. La stratégie utilisée est d'y aller de façon ciblée de façon à ce qu'on réagisse (à la crise économique), mais pas trop, pour justement garder le cap et éviter des déficits structurels. Moi j'estime que c'était nécessaire qu'on se retrouve à l'Assemblée nationale. Si les gens trouvent ça inutile, je pense qu'ils se trompent.»