L'économie du Québec n'est «pas immunisée» contre un important ralentissement, selon le président de la Banque Nationale, qui participait hier à un séminaire bancaire à Toronto.

L'économie du Québec n'est «pas immunisée» contre un important ralentissement, selon le président de la Banque Nationale, qui participait hier à un séminaire bancaire à Toronto.

Néanmoins, a dit Louis Vachon devant ses homologues et des analystes, l'économie québécoise apparaît encore en mesure de «performer relativement bien" au cours des prochains mois de conjoncture plus difficile chez ses voisins.

Par conséquent, la Banque Nationale, qui a la majorité de ses affaires au Québec, n'anticipe pas devoir rehausser outre mesure ses provisions pour mauvais prêts.

Il s'agit d'un ajustement financier habituel des banques face à une récession. Or, la Banque Nationale tarde encore à cet égard par rapport à ses vis-à-vis torontoises, selon leurs plus récents résultats trimestriels.

Par ailleurs, malgré ses coûteuses pertes subies avec la débâcle du papier commercial, depuis plus d'un an, la Banque Nationale ne prévoit pas imiter d'autres banques canadiennes qui ont décidé de renflouer leur capital en émettant des actions ordinaires au cours des dernières semaines.

Ces émissions de titres dépassent les 3 milliards de dollars depuis quelques semaines. Ces transactions surviennent après les pertes spéciales de 16 milliards subies par les banques canadiennes depuis l'automne 2007, au fil de la crise financière et du krach boursier.

Mais à la Banque Nationale, «nous ne prévoyons pas devoir émettre des actions ordinaires dans l'avenir prévisible. Nous attendrons au moins de voir nos résultats du premier trimestre de 2009 (prévus le 26 février)», a indiqué M. Vachon.

Pourtant, lundi dernier, la Nationale a complété une émission de 5 millions d'actions privilégiées à dividende initial de 6,6% par année, pour une valeur nette de 125 millions.

Mais selon M. Vachon, il s'agissait d'une transaction d'opportunisme de marché plutôt que d'un besoin immédiat de renflouement de capital.

«Une occasion favorable pour ce genre de titres s'est présentée parmi des investisseurs et nous avons décidé d'en profiter», a soutenu le président de la Nationale.

Cela dit, en dépit d'une économie moins inquiétante dans son marché principal au Québec, la Banque Nationale n'entend pas relâcher la gestion de portefeuille de prêts «plus conservatrice» qu'elle privilégie depuis quelques années, a indiqué Louis Vachon.

Cette remarque visait surtout à réconforter les investisseurs en actions de banques très éprouvés depuis plusieurs trimestres. Elle faisait aussi écho aux propos rassurants des autres hauts dirigeants de banques canadiennes à la conférence de Toronto.

En particulier, ces propos ciblaient les récents commentaires de certains intervenants économiques, dont le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, à propos des restrictions d'accès au crédit qui perdurent après la grave crise financière de l'automne dernier.

«Malgré ce qu'on rapporte dans les médias, c'est encore le «business as usual» dans nos activités de prêts. Même que le volume des prêts continue de croître dans la plupart des segments du marché où nous sommes», a soutenu Gordon Nixon, chef de la direction de la Banque Royale (RBC).

«La demande des prêts parmi les consommateurs demeure plus élevée que ce à quoi nous nous serions attendus, considérant la conjoncture économique», a indiqué pour sa part Chris Hodgson, directeur des services bancaires aux particuliers et aux PME à la Banque Scotia.

Mais en dépit de leur désir de faire mousser leurs activités prêteuses, les banques canadiennes n'ont pas l'intention de sacrifier leurs critères d'admissibilité et de rentabilité de ces prêts.

«Ce n'est pas parce que nous examinons davantage certains critères que nous nous retrouvons aussi à restreindre l'accès au crédit, comme le disent certains. En fait, notre base d'affaires, ça demeure de faire des prêts qui nous sont remboursés», a résumé Ed Clark, chef de la direction de la Banque Toronto-Dominion (TD).

«Nous ne refusons pas les emprunteurs qui, à notre avis, ont la capacité de rembourser. Même que, comme entreprise, nous souhaitons profiter de la conjoncture pour enlever des parts du marché des prêts aux banques concurrentes.»

N'empêche, aux questions d'analystes s'enquérant de la portion la plus risquée de leur portefeuille de prêts, les hauts dirigeants de banques canadiennes ont surtout mentionné les dettes de cartes de crédit des consommateurs.

«C'est le secteur qui risque le plus d'être affecté par la détérioration de l'économie, bien plus que les prêts hypothécaires par exemple», a indiqué Gordon Nixon, de la Banque Royale.

À elle seule, la plus grosse banque canadienne gère pour 8,9 milliards en dettes de cartes de crédit, comparativement à 123 milliards en prêts hypothécaires.

Avec Bloomberg et La Presse Canadienne

VERS UNE AUTRE BAISSE DES TAUX?

Pierre Duguay, sous-gouverneur de la Banque du Canada, a indiqué hier que les décideurs de la banque pourraient abaisser le taux directeur sous le niveau le plus bas en un demi-siècle atteint le mois dernier pour faire face

au resserrement du marché du crédit et à la récession.

«Nous continuerons à suivre attentivement l'évolution de la situation économique et financière pour déterminer jusqu'à quel point des stimulants monétaires supplémentaires seront requis», a précisé hier M. Duguay au cours d'un discours prononcé à Toronto.

Ainsi, il se peut que les décideurs de la Banque du Canada réduisent le taux cible des prêts d'un jour entre les banques commerciales à 0,5% cette année, ce qui serait un bas niveau historique, ont soutenu pour leur part des économistes de CIBC Marchés mondiaux et de la Banque Scotia au cours d'une discussion d'experts hier à Toronto. La Banque du Canada a été fondée en 1934.

Le Canada expédie les trois quarts de ses exportations aux États-Unis, où le resserrement mondial du crédit déclenché par l'effondrement du marché des prêts hypothécaires à risque affecte la demande d'automobiles et de bois d'oeuvre. Des manufacturiers tels que General Motors réduisent leurs activités en Ontario et la baisse du prix des matières premières nuit aux investissements dans le secteur pétrolier en Alberta.

Le Canada «entre en récession», a dit M. Duguay en faisant allusion à la baisse de la demande mondiale, à la perte de confiance des consommateurs et des entreprises et à la réduction des prix des produits énergétiques exportés.

- Bloomberg