Shi Hang, 22 ans, et son copilote Sun Guang Tian, 23 ans, survolent la région de Toronto par l'entremise du simulateur qui reproduit un avion King Air de neuf places. En matinée, Sun Guang Tian a survolé la Ville reine à l'occasion d'un véritable vol aller-retour, alors que Shi Hang est allé à Val-d'Or.

Shi Hang, 22 ans, et son copilote Sun Guang Tian, 23 ans, survolent la région de Toronto par l'entremise du simulateur qui reproduit un avion King Air de neuf places. En matinée, Sun Guang Tian a survolé la Ville reine à l'occasion d'un véritable vol aller-retour, alors que Shi Hang est allé à Val-d'Or.

Dans quelques années, quand on demandera à Shi Hang et Sun Guang Tian, pilotes d'Air China, à quel endroit ils ont appris à voler, ils pourront répondre: Saint-Hubert, Québec.

Les deux apprentis sont parmi les 75 étudiants chinois -tous des garçons- qui apprennent les rudiments du pilotage à l'école Cargair (Cargair Flight Academy) à l'aéroport de Saint-Hubert.

Cela fait trois ans que Cargair forme des pilotes pour la Chine. L'école fait maintenant affaire avec cinq entreprises de l'empire du Milieu. Ce qu'elle offre, c'est «une formation clé en main», comme le mentionne Josée Prud'homme, présidente de Cargair et de son entreprise soeur, Max Aviation, depuis 2007.

De leur arrivée au Québec jusqu'à leur retour en Chine, Cargair s'assure de répondre à tous les besoins des étudiants. Cargair a acheté cinq maisons et loue cinq appartements supplémentaires pour loger les étudiants. Josée Prud'homme se souvient très bien d'avoir couru les magasins pour meubler les logements.

L'entreprise paie tout, de la nourriture jusqu'au transport. «Ça me coûte 7300$ par mois pour les passes d'autobus», note Josée Prud'homme.

«Une formation sans arrêt»

Quelques minutes après le début de la séance de simulateur de Shi Hang et Sun Guang Tian, l'instructeur appuie sur pause. Le paysage se fige le temps que les apprentis pilotes répondent à nos questions.

Ils en sont aux toutes dernières semaines de leur programme. Et ils sont parmi les très bons étudiants, affirme l'instructeur.

«C'est une formation sans arrêt, dit Shi Hang dans un anglais fonctionnel. C'est beaucoup de travail, mais je suis ici pour étudier, donc c'est correct.»

Le programme de formation compte au moins 250 heures de vol et 750 heures de cours théoriques.

S'ajoutent à cela quelques formations linguistiques afin que les étudiants perfectionnent leur connaissance ou leur prononciation de l'anglais. La maîtrise de l'anglais est cruciale pour les communications avec l'instructeur ou avec la tour de contrôle.

Sun Guang Tian dit apprécier les gens du pays, de même que la façon de travailler «directe et efficace». Devinant notre prochaine question, il souligne qu'il vient du nord-est de la Chine. «Il y a aussi de la neige et il fait parfois -25 degrés Celsius», précise-t-il.

Mais il y a quelques différences culturelles, notamment dans la relation entre l'étudiant et l'instructeur. «Au début, ils ne nous ne disaient rien s'ils ne comprenaient pas, raconte l'instructeur-chef de Cargair, Lorraine Dumont. Il a fallu qu'ils apprennent qu'ici, poser des questions n'est pas un manque de respect envers l'instructeur.»

«Ils n'ont pas l'habitude de prendre des décisions, ajoute Lorraine Dumont, qui a 24 ans d'expérience et 25 000 heures de vol à son actif. Pour eux, la décision doit absolument venir de l'autorité. Dans les cours théoriques, il nous faut donc mettre davantage l'accent sur la prise de décision.»

«Ils ont énormément de pression», concède Mme Dumont. L'échec n'est pas une option. La formation est cruciale pour leur carrière. Et la Chine a besoin de pilotes.

Les exigences chinoises

Le pays le plus peuplé de la planète n'échappe pas à la pénurie mondiale de pilotes. «Or, ils n'ont pas assez d'écoles, soutient Josée Prud'homme. La présence fréquente de brume sèche mine les conditions de vol, et il faut s'enregistrer 30 jours à l'avance pour faire un vol d'entraînement.»

C'est un retraité de Bombardier qui a servi d'intermédiaire pour mettre en relation les entreprises chinoises et Cargair. «Nous avons répondu très rapidement et cela a joué en notre faveur», souligne Josée Prud'homme.

«Mais ça a coûté cher, se rappelle la présidente. Nous avons organisé deux ou trois visites de responsables chinois, à nos frais.»

Sauf que, pour la Chine, la formation régulière ne suffisait pas.

Il fallait une licence ATPL (Airline Transport Pilot Licence) intégrée, soit une formation plus étendue destinée aux futurs pilotes de ligne. Le programme initie notamment les apprentis pilotes au vol aux instruments et au vol en équipage.

«Monter tout ça a pris un an de travail, dit Josée Prud'homme. Il fallait bâtir tout le soutien et la structure autour de la formation. Le processus a été très exigeant sur le plan administratif.»

Mais avec le succès connu depuis trois ans, et les effets positifs sur l'économie de la ville, le jeu en valait la chandelle.